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La force de Daech est d'utiliser les réseaux sociaux que les puissances occidentales ne peuvent pas censurer Feurat Alani. Reporter irakien et producteur
-Avec le dernier groupe créé en Algérie, Jund Al Khilafah, pensez-vous que nous verrons la création de nouveaux mouvements faire allégeance à Daech ? Oui, l'Etat islamique, ou Daech, est devenu un emblème plus fort, plus puissant, plus provocateur qu'Al Qaîda. Il est donc logique que certains groupes saisissent cette opportunité soit pour s'officialiser, soit pour gagner en notoriété. Certains souhaitent devenir des franchises de Daech. Et donc reproduire ses méthode sur leur terrain puisqu'au final, ils adhèrent à la même idéologie. Seuls les moyens de communication et la brutalité changent par rapport à Al Qaîda. -Vous avez vécu en Irak et avez assisté aux changements depuis 10 ans. Qu'est-ce qui a fait naître Daech ? Daech est d'abord né de l'invasion américaine de l'Irak lorsque l'Etat irakien a été démantelé par Paul Bremer, l'administrateur américain de l'époque. Près d'un million de personnes ont été licenciées, cadres, officiers, membres des services secrets. Tout cela a créé un ressentiment à l'égard des Américains et du nouveau gouvernement irakien. Par la suite, le vide sécuritaire et politique en Irak, ensuite l'ostracisation des sunnites, ont favorisé le terrain à Abou Moussab Al Zarqaoui, à l'époque simple djihadiste revenu d'Afghanistan. Après avoir fondé un groupe nommé Tawhid Wal Djihad, il s'est autofranchisé Al Qaîda en Irak en 2006. Fort de sa popularité, le commandement central d'Al Qaîda a été forcé de l'adouber malgré les réticences quant à son agenda jugé trop anti-chiite. Jordanien, Abou Moussab Al Zarqaoui a vite été rejeté par des Irakiens qui le jugeaient trop extrémiste. Lorsqu'il a été tué par une frappe américaine, avec l'aide des services jordaniens, il a été remplacé par un Irakien. La trajectoire était claire. Le groupe deviendrait «national» et non international comme Al Qaîda. La situation en Syrie a ensuite donné ce que l'on voit aujourd'hui. Un territoire plus large, une lutte commune contre les deux dirigeants «chiites» de Baghdad et de Damas. En d'autres termes, la politique de rejet de la communauté sunnite instaurée par Nouri Al Maliki a aidé à la création de Daech aujourd'hui. Mais elle n'en est pas la cause principale. -Daech a choisi la guerre à travers les réseaux sociaux. Un style différent d'Al Qaîda ou juste une mise en scène macabre ? Daech est un mouvement alimenté par une jeunesse islamiste en phase avec la réalité d'aujourd'hui. Ils maîtrisent les nouvelles technologies et beaucoup d'entre eux viennent d'Europe, d'Australie, du Maghreb et d'ailleurs où les réseaux sociaux ont prouvé leur efficacité dans beaucoup de domaines. La force de Daech est d'utiliser des réseaux sociaux que les puissances occidentales ne peuvent pas censurer. En utilisant des images macabres, on sensibilise, on recrute et on terrifie. Contrairement à l'ancienne génération, les combattants d'Al Qaîda du réseau pakistano-afghan, les jeunes de Daech donnent la priorité à la communication. -Avez-vous rencontré ou approché, dans vos reportages, des membres de Daech ? Non, je n'ai pas rencontré des membres de Daech mais des gens d'Al Qaîda en Irak, la version post-Daesh, à Falluja. Souvent issus des classes sociales les plus pauvres, des tribus les moins réputées. J'ai assisté à des règlements de comptes entre tribus, à des conseils tribaux pour juger du sort d'un élément d'Al Qaîda qui avait tenté de tuer un membre d'une autre tribu. Ce que j'ai retenu d'eux étaient leur détermination, leur embrigadement et leur allégeance à des cheikhs locaux. -Les experts arabes disent que nous allons vers des conflits confessionnels qui nous conduiront vers la guerre civile. Qu'en pensez-vous ? Aujourd'hui, les conflits confessionnels, ethniques ou tribaux dans le Monde arabe résultent du délitement des institutions étatiques. Que ce soit en Irak, en Libye ou ailleurs, la chute de l'Etat, de la Nation a laissé place au confessionnalisme et au communautarisme. Ce n'est pas un hasard si les chefs tribaux reprennent du galon sur le plan politique, social, judiciaire même. Tant que la notion de citoyenneté ne reviendra pas sur le devant de la scène, la guerre civile sera là. Sans parler des interventions officielles et officieuses des intérêts étrangers dans la région...