Le trajet pour rallier Tikjda à partir de Bouira n'est pas long : moins d'une trentaine de kilomètres. Il nous a fallu moins d'une demi-heure pour y poser pied. La ville de Haizer, à 10 km au nord de Bouira, est un passage obligé pour les touristes. Un groupe de jeunes arrive à bord d'un Toyota Hilux immatriculé dans la wilaya d'Alger, s'arrête devant un marchand de fruits et légumes. Une commande chez le commerçant : des bouteilles d'eau, un Coca, du pain, des fruits. A notre demande, le conducteur nous répond que ses amis et lui vont à Tikjda pour y passer la journée, loin du brouhaha de la ville. «Cela fait des années que nous venons ensemble de Rouiba pour passer le week-end à Tikjda. Mais avec cette histoire d'assassinat de l'otage français, nous allons juste passer la journée. Si l'hôtel est ouvert, nous allons peut-être rester deux jours», dit Aziz, l'air confiant. «Nous ne sommes pas branchés sur l'actualité sécuritaire. Certes nous sommes choqués par ce lâche assassinat, mais à Tikjda, la région est sécurisée. Normalement», dit-il encore. A Haizer, de nombreux commerçants confirment que depuis l'annonce du kidnapping, dimanche dernier, de l'otage français, rares sont les visiteurs qui transitent par la ville, alors que le rapt n'a pas été commis sur le territoire de la wilaya. «L'armée est en opération de ratissage. De nombreux éléments de la caserne de Haizer sont mobilisés dans le cadre de cette opération de recherche», dit notre interlocuteur. Des membres d'une association de tourisme, ayant à leur actif plusieurs randonnées, notamment au lac Agoulmime, nous apprennent que les sorties sont annulées. «Nous avons un riche programme à l'occasion de la Journée mondiale du tourisme, le 27 septembre (aujourd'hui, ndlr), mais vu que l'armée est sur le terrain, nous avons suspendu nos activités», nous confie Hamid, affirmant que sur certains circuits qu'ils ont l'habitude d'emprunter, l'armée est en opération. «Mais pour les randonnées sur les circuits situés non loin de la station climatique de Tikjda, cela ne pose aucun problème.» Les randonneurs frustrés Selon des informations recoupées, le secrétaire général de la wilaya a, dans un arrêté, interdit aux associations activant dans le domaine touristique de s'aventurer sur certains sites, et ce, dans le but de faciliter la tâche aux militaires engagés dans une opération de ratissage de grande envergure depuis lundi dernier, à la recherche du groupe terroriste auteur de l'ignoble assassinat. Cette opération se poursuit toujours pour retrouver le corps de la victime. Plus de 3000 militaires sont mobilisés. Tous les accès vers le massif du Djurdjura sont surveillés afin de resserrer l'étau autour des sanguinaires, comme en témoignent ces dizaines de camions de l'armée stationnés non loin du complexe touristique. Un barrage fixe de gendarmerie est installé au carrefour menant vers Tikjda. La circulation sur la route menant de Haizer à Tikjda était fluide, hier. Plus nous avançons vers notre destination, plus le majestueux Djurdjura dévoile ses charmes. En ce vendredi, ce n'est pas le grand rush, contrairement aux habitudes. Certes, les promeneurs sont rares, mais tout au long de la route, des jeunes, des couples s'installent. «Il n'y a aucun risque sur cette route menant vers Tikjda. Depuis lundi dernier, des journalistes, notamment de médias étrangers, sont venus ici à Tikjda après le kidnapping de l'otage français et j'estime qu'ils ont véhiculé, à tort, l'image d'une région livrée aux terroristes», dit Mohand, venant d'Ath Ouacif en direction de Bouira, précisant qu'il emprunte quotidiennement cette route. Il montre du doigt le Centre national des sports et loisirs de Tikjda (CNSLT) : «Regardez, l'Etat a injecté de l'argent pour rénover l'hôtel Djurdjura qui avait été détruit par ces sanguinaires il y a des années. Il faut venir le week-end, l'endroit ne désemplit pas. Même des étrangers séjournent ici. Essayez de donner un autre cachet à la région, pas de tomber dans le jeu des sanguinaires qui ne cherchent qu'à tuer la vie, partout !» Selon un responsable du Centre des sports et loisirs, Ahmed Yefsah, une trentaine de familles venues d'Alger et de Tizi Ouzou séjournent au niveau du complexe depuis plusieurs jours. «Nous avons de nouvelles réservations et de nombreuses familles vont arriver ce soir (vendredi, ndlr)», assure M. Yefsah. De son côté, un guide touristique de la région est catégorique : «Personnellement, j'ai toujours accompagné des groupes de touristes, des familles étrangères qui séjournaient ici, en randonnée, notamment vers le lac Agoulmime. C'est vrai qu'il faut rester vigilant et avertir les services de sécurité quand on accueille des étrangers.» Le site toujours attractif Pour les responsables du CNSLT, rien ne pourra déstabiliser le site. Des familles continuent d'affluer vers Tikjda. «C'est la rentrée scolaire, et non autre chose, qui fait que vous voyez moins de monde en ce moment. Durant la période allant de 14 au 17 juillet, nous avons reçu une délégation d'étrangers venus de France, de Belgique et d'Allemagne. Pour ce qui est des randonnées que nous organisons chaque jour, en fonction du nombre de visiteurs qui veulent y participer, elles sont planifiées en collaboration avec les services de sécurité», précise M. Meziani, directeur général du CNSLT.