Douze travailleurs de l'entreprise Simas (zone industrielle de Hassi Ameur à 20 km à l'est d'Oran), un fleuron du secteur de la métallurgie des années fastes du secteur industriel public, observent, depuis samedi, une grève de la faim illimitée pour dénoncer les conditions de liquidation de leur entreprise. En fait, les 430 travailleurs de Simas, depuis l'annonce officielle de la dissolution de leur entreprise, le 28 mars 2004, n'ont pas perçu leurs salaires. « Cela fait, selon un cadre syndical, contacté hier, 16 mois que nous ne percevons aucun centime. Le liquidateur désigné ne fait absolument rien pour activer la situation, il se cache derrière l'Etat. Pour lui, c'est la faute à l'Etat. » Ceci dit, hier en début d'après-midi, un des grévistes a été évacué dans un état jugé préoccupant par le SAMU au service des UMC de l'hôpital d'Oran. Devant le silence des autorités en charge du dossier, les travailleurs de Simas ont saisi toutes les instances humanitaires pour intercéder en leur faveur. En fait, l'entreprise Simas est un exemple édifiant d'une déstructuration et d'une banqueroute « programmée » d'une entreprise leader en son domaine, par l'entremise d'une ouverture du capital. C'est dire que le partenariat avec les entreprises étrangères n'est pas toujours synonyme de rentabilité et prospérité. Dans le cas de Simas, il est catastrophique et les travailleurs de Simas en ont fait l'amère expérience. L'assemblée générale extraordinaire des actionnaires, réunie le 22 mars 2004, a décidé sa dissolution et a procédé à la nomination d'un liquidateur. C'est à la demande de la partie algérienne, constituée de Sonatrach, Sonelgaz et l'ENCC, que la dissolution a été prononcée. Une demande formulée déjà en 2002 mais rejetée par la SGP Construmet qui a préféré accorder à Simas un sursis de deux ans. Mais c'est un sursis qui n'a fait qu'accentuer le déficit global de l'entreprise pour atteindre à la fin de l'exercice 2004 la bagatelle de 130 milliards de centimes. Cet endettement colossal a été réalisé en quatre ans d'activité seulement. Pour rappel, Simas est une société par actions, constituée en 1995 par trois entreprises algériennes (Sonelgaz, Sonatrach et l'ENCC) et renforcée en 1998 par l'entrée au capital du partenaire canadien KPS, présenté comme leader mondial dans le domaine de l'engineering métallique. Détenteur de 34% du capital de Simas, KPS contrôlait les destinées de l'entreprise. C'est aussi la seule usine en Algérie et en Afrique capable de fabriquer des « appareils à pression destinés à la chaîne de transformation des hydrocarbures, notamment le stockage et le transport du gaz ». C'est dire son importance sur le plan technologique et les parts de marché qu'elle pouvait couvrir. Ceci dit, les comptes de l'entreprise ont été remis à zéro dès la création de Simas. Les pouvoirs publics ont épongé toutes ses dettes et c'est une entreprise assainie et dégageant même des bénéfices à laquelle les Canadiens ont été invités à prendre une participation au capital et apporter un savoir-faire, en principe, de pointe. Pour les syndicalistes et les travailleurs de Simas, en ce qui concerne le volet formation, l'on saura qu'il y a eu, certes, quelques déplacements de cadres au Canada, mais point de transfert de technologie proprement dit. De l'avis de nombreux travailleurs rencontré hier, « Simas avait tous les atouts en main pour réussir le pari de la performance et de la compétitivité. Au lieu de cela, c'est une descente aux enfers qui s'est produite ». A l'époque, ce qui intéressait KPS, selon de nombreux interlocuteurs, c'est la pénétration des marchés algérien et maghrébin. « Arracher le maximum de contrats en Algérie par le biais de Simas qui fera toujours des offres qui ne seront retenues qu'en raison des prix proposés défiant toute concurrence. La plus grande partie de ces contrats sera réalisée par la société mère canadienne qui empochera la grande partie du montant du marché. A Simas, il reste les dettes et le découvert. » Pour étayer ces dires, on avance l'exemple de l'unité de dééthanisation de GP2/Z, où « Simas soumissionne et obtient un marché de 36 Mda qui profite, en réalité, à KPS ». C'est en effet à cette dernière, plus précisément à son siège au Canada, que revient la partie ingénierie et fournitures. La main-d'œuvre est à la charge de Simas. KPS engrangera les dividendes et Simas n'aura, finalement, servi que de simple atelier d'assemblage industriel. Un deuxième exemple est également cité, relatif au marché obtenu par Simas, mais à perte. « Il s'agit de la fourniture à Naftal de 350 cuves GPL de différentes dimensions. Simas a été le soumissionnaire le moins-disant pour un montant de 57 Mda, soit un prix moyen de 160 000 DA la cuve, alors que son prix de revient est de 240 000 DA. L'entreprise n'en tirera aucun bénéfice, mais devra recourir à l'endettement pour s'acquitter d'une dépense supplémentaire de 280 Mda. » Toutes les démarches des travailleurs pour dénoncer cet état de fait sont restées sans suite. Pis encore, ils assistent impuissants à la liquidation pure et simple d'une entreprise qui, il n'y a pas si longtemps, était leader incontestable en Afrique. En attendant, personne n'est en mesure de dire combien de temps va durer cette opération de liquidation. Entre temps, les travailleurs sont livrés à eux-mêmes et l'usine tombe en ruine.