Dans une nouvelle vidéo postée mardi soir par Jund Al Khilafah, le groupe terroriste a renouvelé son allégeance au «calife à la Rolex», Abou Bakr Al Baghdadi. Sur cette vidéo non datée qui dure près de 4 minutes, on voit une soldatesque enturbannée jurant fidélité au chef de l'Etat islamique. La vidéo s'ouvre par le «logo» du groupe : une carte de l'Algérie couleur Sahara, un Coran et une kalachnikov, suivie du nom officiel de la phalange djihadiste : «Jund Al Khilafah fi ardh el Djazaïr» (les soldats du califat en terre d'Algérie). Les images défilent sur fond de chants religieux avant de céder l'écran à celles d'une cérémonie solennelle. Un homme en barbe et tenue afghane, du nom de Abou Abdallah Othmane El Assimi, prêche à visage découvert au milieu d'une trentaine de fantassins s'affichant sans vergogne, hormis quelques-uns à la face dissimulée sous un chèche. Ses affidés sont tous armés, généralement de kalachnikovs. L'un d'entre eux pose, accroupi, devant un fusil-mitrailleur, une ceinture de balles autour du cou, tandis que son voisin brandit un lance-roquettes. Un autre arbore l'étendard noir de l'Etat islamique. Le chef de la phalange anone religieusement les termes de la «moubayaâ», imité par ses acolytes qui répètent après lui, en chœur, le serment d'allégeance. Un autre membre du groupe présenté à l'écran sous le nom d'emprunt de «Abou Mohamed El Adnani Achami», le visage cagoulé, apparaît dans une autre séquence où il se fend d'un poème à la gloire de son nouveau maître au milieu d'une forêt de cèdres. Les hommes de Abdelmalek Gouri alias Khaled Abou Souleimane se prosternent dans la foulée avant de se donner l'accolade. Dans le générique de fin s'affiche le nom de la «boîte» qui a réalisé cette vidéo : la société El Fath de production médiatique, avec le drapeau noir de Daech comme symbole de ralliement omniprésent. Pour rappel, cette vidéo est la troisième postée par le groupe Jund Al Khilafah, la première ayant été diffusée peu après avoir pris en otage Hervé Gourdel, et dans laquelle ils annonçaient leur ralliement au chef de l'Etat islamique, suivie trois jours plus tard de celle de l'exécution de l'otage français. Des enseignements utiles Notre confrère Akram Kharief, spécialiste des questions de défense et de sécurité au Maghreb, a posté un savoureux article hier sur son site http://www.secretdifa3.net, et dans lequel il s'est attaché à décortiquer la vidéo en question en en tirant un certain nombre d'enseignements fort utiles. Sous le titre «Comment lire les vidéos de Daesh en Algérie ?», il écrit : «Au-delà de l'horreur de la décapitation d'Hervé Gourdel ou le questionnement autour du renouvellement d'allégeance Youtubisé de Jund Al Khilafah à l'Etat islamique, les vidéos diffusées par les terroristes algériens laissent filtrer quelques indices précieux permettant d'en savoir plus sur leur armement, leurs moyens logistiques, leur état général et même sur leur localisation.» Avec son sens aiguisé de l'observation, il développe : «Les terroristes sont au minimum trente-deux, leurs âges vont d'environs 16 ans pour les plus jeunes à la quarantaine pour les plus âgés. Tous portent le salwar kamiz afghan mais pas de pashkol qui est remplacé par un chèche. Certains sont en tenue qu'utilisent les terroristes au Sud, ce qui pourrait indiquer la nature du regroupement, de ce qui semble être plusieurs sections, mais aussi l'apparition d'une arme complètement exogène aux maquis du Nord.» Cette arme, «c'est la DhSK (Doushka pour les intimes)», poursuit notre expert, «une mitrailleuse de 12.7mm de fabrication russe qui est devenue l'emblème de l'infanterie mécanisée des phalanges libyennes mais surtout celles des hordes armées qui ont déferlé sur la Syrie et ensuite sur l'Irak parfois sous le nom de Daech (…). Sa provenance est probablement libyenne où elle été largement utilisée». Et d'ajouter : «Il est aussi possible de voir sur cette vidéo trois ou quatre fusils-mitrailleurs, FMPK, un lance-grenades RPG7 et quelques kalashnikov, l'arsenal classique de l'AQMI.» Akram Kharief analyse ensuite les indices paysagers et la présence de cèdres dans la deuxième partie de la vidéo. «Cet arbre jadis répandu sur les montagnes de l'Atlas algérien, n'occupe plus que 500 hectares en Kabylie et principalement dans quatre zones, Tala Guilef, Haizer, Tikjda et Ath Ouabane. La cédraie de Tala Guilef est considérée comme étant la plus grande, peu d'espèces d'arbres cohabitent avec le cèdre, c'est donc peu probable que ce soit le lieu de tournage de la vidéo qui montre plutôt une cédraie mixte, comme on en voit dans les trois régions restantes.» Il en déduit, par élimination, que les images auraient été prises à Tikjda, Haizer ou Ath Ouavane «où a eu lieu le rapt puis l'assassinat du touriste français». «Il est donc fort possible que les terroristes ne se soient jamais bien éloignés du lieu du crime, malgré l'étau sécuritaire qu'a connu la région», note-t-il. Et de s'interroger en guise de conclusion : «Pourquoi l'armée n'a pas utilisé pendant la traque les Beech 1900 MMSA, qui disposent d'équipements de détection thermique et qui auraient probablement pu détecter un aussi grand rassemblement d'hommes même sous le parapluie naturel qu'offre une cédraie ?»