C'est aujourd'hui que les membres du conseil d'administration du groupe Compagnie nationale de transport maritime (Cnan) éliront leur président-directeur général (PDG) parmi les cinq candidatures présentées il y a quelques semaines. Plongée dans la tourmente depuis le naufrage de ses deux navires, le Béchar ayant causé la mort de 16 marins, et le Batna au port d'Alger, la Cnan n'arrive plus à rétablir sa situation financière qui a pris un sérieux coup, mais aussi le climat de travail qui s'est détérioré après l'incarcération des cinq cadres dirigeants, dont le PDG Ali Koudil, condamnés à de lourdes peines d'emprisonnement comprises entre 15 et 5 ans. La nomination d'un intérimaire, Ali Boumbar, pour assurer la continuité du service n'a pas pour autant aidé à la remise sur pied de la compagnie, confrontée à de graves problèmes, qui l'ont d'ailleurs poussé à déposer sa démission au moment même où le tribunal criminel d'Alger s'apprêtait à juger l'affaire des naufrages. Ali Boumbar cumule plusieurs postes de responsabilité au sein de groupe Cnan, à savoir directeur général des représentations de la compagnie pour le nord de l'Europe à Envers (Belgique), pour Marseille, l'Espagne et l'Italie. La démission de Ali Boumbar, faut-il le préciser, concernait uniquement son poste de PDG par intérim et non pas les autres. Pour remédier à cette situation de carence, Gestramar (la SGP qui gère le portefeuille de la compagnie) a répondu favorablement à la demande de Ali Boumbar, tout en recueillant les cinq candidatures qui se sont présentées pour pourvoir ce poste. Il s'agit de trois commandants de bord qui ont fait leur carrière au sein de la Cnan, à savoir Bouzidi, Djebari et Châaf, et du directeur des finances, M. Mahbabi, ainsi que du tout nouveau directeur de Maghreb Line, M. Berbiche. Le choix sera difficile à faire tant chacun des candidats semble posséder ses relais et ses lobbies au sein du conseil. En tout état de cause, le nouveau PDG aura à assumer une lourde tâche. Celle de sortir le bateau Cnan des creux des vagues et lui permettre de reprendre la mer. Apaiser les tensions Il est à signaler qu'une bonne partie de la flotte est vétuste et sa maintenance coûte à la compagnie des sommes colossales en devises, du fait des arrêts techniques. A cela s'est ajoutée une gestion très controversée des navires dont les allers et venus dans les chantiers étrangers sont suspectés de complaisance. Affrété au prix fort pour servir au transport des passagers (qui n'est pas la mission de la Cnan, puisque celle-ci a pour tâche principale le transport de la marchandise), le navire Millénium, par exemple, se trouve dans de lourdes difficultés. Un de ses deux moteurs est à l'arrêt, ce qui a conduit au ralentissement de sa vitesse de navigation avec pour conséquence l'annulation de deux rotations (Béjaïa-Marseille). Le navire n'assure actuellement que les lignes Alger-Marseille et Alger-Barcelone. Ce qui a eu pour conséquence une situation des plus dramatiques vécue par les passagers algériens bloqués à Marseille, mais aussi par ceux ayant fait la traversée à bord du Millénium avec un retard de plus de 12h (arrivée à 19h alors qu'elle est prévue à 7h). Le nouveau PDG aura devant lui deux options. Soit assainir la situation de crise aiguë vécue par la compagnie ou alors poursuivre le plan de mise en vente des navires restants de la Cnan dans le cadre de la restructuration. Celle-ci prévoit le démembrement de toutes les filiales de l'entreprise sans pour autant être très claire sur le devenir de la compagnie, puisque les pouvoirs publics n'ont à aucun moment exprimé leur volonté de renouveler la flotte de la Cnan une fois tous les bateaux vendus. Parallèlement à ce constat, le nouveau PDG aura aussi à apaiser le climat de tension ayant paralysé les relations de travail tantôt entre les responsables et le personnel navigant, tantôt entre les commandants de bord et les marins. La non-reconnaissance du syndicat indépendant de l'UGTA des officiers de la marine marchande (Snomar), la non-réintégration des commandants de bord suspendus par l'ancien PDG Ali Koudil et réhabilités par des décisions de justice (définitives), ainsi que le scandale relatif au trou financier découvert dans la gestion des œuvres sociales pour lequel des syndicalistes ont été poursuivis en justice, sont les principaux ingrédients d'une situation explosive qui mine les relations de travail et paralyse totalement toute volonté de remise en marche de la compagnie.