On ignore le moyen par lequel M. Siniora, qui dirigera une délégation ministérielle, ira à cette conférence du « groupe de contact » sur le Liban élargi à plusieurs autres pays. Bombardé par les forces israéliennes, l'aéroport de Beyrouth est fermé depuis le lancement le 12 juillet de l'offensive israélienne au Liban. La secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice y participera à l'issue de sa visite éclair à Beyrouth et en Israël. Le secrétaire général de l'Onu, Kofi Annan, a indiqué lundi qu'il appellerait à un cessez-le-feu et au déploiement d'une force internationale dans le sud du Liban à l'occasion de la réunion. Celle-ci doit également se pencher sur la reconstruction du Liban dont les infrastructures ont été détruites par l'agression israélienne. Mais l'on ignore surtout les raisons qui ont amené M. Siniora à accepter de prendre part à ce conclave, lui qui avait refusé de s'y rendre si Israël devait y prendre part. Le tour de table sera intégralement connu aujourd'hui, tout comme l'objectif réel de cette rencontre que M. Siniora avait tendance à en minimiser l'importance. « Il n'y a pas d'invitations au sens conventionnel du terme. Il y a uniquement des contacts oraux à travers certains ambassadeurs, ainsi que le chef du gouvernement italien. La conférence vise à coordonner les efforts et les aides humanitaires internationales, avec possibilité d'aborder des questions politiques », a-t-il déclaré dimanche à l'issue du Conseil des ministres. Peut-être a-t-il mesuré ou qu'il s'est montré sensible aux conséquences qui découleraient d'une politique de la chaise vide. Mais lui en tout cas, ne part pas les mains vides. Avec la conviction d'abord qu'« aucune solution militaire ne peut être apportée à cette crise ». Et puis ce qui tient lieu de « feuille de route », une expression peut-être inappropriée pour le souvenir malheureux qu'elle soulève. Le Premier ministre, qui a fait la synthèse d'au moins trois Conseils des ministres, a mis en avant les revendications de son pays pour une solution négociée : la libération des fermes de Chebaa et des collines de Kfarchouba, le retour des prisonniers et la remise par Israël au Liban des cartes des mines antipersonnel abandonnées par l'Etat hébreu au Sud. Conditions auxquelles le ministre de la Santé, Mohammad Khalifé, a ajouté un quatrième point essentiel : qu'Israël dédommage le Liban pour tous les dégâts causés au pays. Le Conseil des ministres a aussitôt conclu un accord de principe sur ces conditions (y compris avec le Hezbollah), estimant qu'il s'agit là des fondements nécessaires pour l'édification d'un Etat souverain sur l'ensemble de son territoire, conformément aux demandes de la communauté internationale. Corollairement, se profile l'application intégrale et par les Libanais eux-mêmes de la résolution 1559, et même bien au-delà puisqu'il s'agit pour l'Etat libanais d'exercer pleinement sa souveraineté sur toutes les questions liées à ce principe. Le Premier ministre a affirmé qu'il « doit être clair que les Libanais, après tout ce qui s'est passé, ne veulent pas revenir à la situation d'avant le 12 juillet ». Il a toutefois souligné la nécessité de « libérer les territoires occupés et les prisonniers libanais en Israël ». Encore plus solennellement, il a souligné que « l'Etat doit redevenir l'unique pouvoir au Liban, sans qu'il ne soit concurrencé par aucun autre pouvoir. C'est l'Etat qui protège les Libanais. Nous devons garantir le retour de l'Etat pour qu'il protège le Liban à travers une stratégie défensive et assure tous les éléments de la souveraineté libanaise », a-t-il dit. Les débats seront difficiles Et de poursuivre dans le même cadre : « C'est l'Etat qui doit gouverner. C'est notre objectif. Durant trente années, les Libanais se sont habitués à un Etat faible (...). Aujourd'hui, nous devons réhabiliter l'Etat, un Etat juste et puissant qui puisse faire respecter les libertés, respecter la Constitution et auquel il serait possible de demander des comptes. C'est dans cette direction que nous avancerons. » Tout indique que M. Siniora ne parle pas pour lui-même. Il en a été mandaté puisque les questions préalables à l'exercice de cette souveraineté ont été longuement discutées avec le Hezbollah. Ce que lui-même confirme. « Ces questions font l'objet d'un dialogue sérieux au sein du gouvernement, sachant que depuis le début de l'agression, plusieurs rencontres ont eu lieu, et je me suis mis d'accord avec le président de la Chambre, Nabih Berry, sur la nécessité d'une coopération complète entre nous. Il se charge d'ailleurs également des contacts avec les frères du Hezbollah, puisqu'un contact direct est difficile dans les circonstances sécuritaires actuelles. Nous formons, le président Berry et moi, une seule personne dans nos contacts avec le Hezbollah pour tenter d'aboutir à des solutions... qui soient définitives concernant le Liban. » La résistance libanaise accepterait donc que le rôle qu'elle déclare assumer relève des prérogatives de l'Etat libanais, mais cela ne se fera pas aussi facilement. Ce sont les autres, tous les autres, ceux qui prônent, voire exigent, l'application de la résolution 1559 qui sont aujourd'hui puissamment interpellés, pour aller justement vers ces solutions définitives souhaitées par l'Etat libanais. S'il est d'ores et déjà difficile de spéculer sur ce qui sortira de la réunion de Rome, il est par contre avéré que la venue de Condoleezza Rice n'a rien apporté. Selon une source proche de M. Berry, « il n'y a pas eu d'accord car Mme Rice (...) a posé comme préalable à un cessez-le-feu un retrait du Hezbollah au-delà du fleuve Litani (à une vingtaine de kilomètres de la frontière) et le déploiement d'une force internationale dans cette zone ». M. Olmert s'est dit favorable au déploiement au Liban-Sud d'une force « formée par des pays de l'Union européenne » pour contrôler la frontière et désarmer le Hezbollah. La réunion de Rome peut tourner au fiasco puisque les pressions se concentrent sur le Liban, lequel ne veut plus se payer de mots. Il réclame des actes pour aller vers un plein exercice de la souveraineté. Rien de plus.