S'il y a un territoire où les ONG des droits de l'homme peuvent mener leurs enquêtes en toute liberté, c'est bien le camp de réfugiés sahraouis. C'est le directeur adjoint chargé du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, Eric Goldstein, qui l'affirme. «Les chercheurs de HRW qui se sont rendus dans les camps de réfugiés sahraouis ont été libres de se déplacer et d'interroger les réfugies et les contacts se sont déroulés sans entrave», a indiqué M. Goldstein hier à Alger, lors de la présentation à la presse d'un rapport que la situation des droits de l'homme dans les camps des réfugiés sahraouis. Un rapport qui est le résultat, a-t-il précisé, d'une mission aux camps de Tindouf qui a duré deux semaines depuis fin 2013, dans lequel HRW fait état de «restriction de droits» des réfugiés. Seulement, pour arriver à une telle conclusion, HRW s'est basé sur des cas isolés pour établir son rapport de 94 pages. Pourtant, dans ce rapport intitulé «Hors des radars : situation des droits de l'homme dans les camps de réfugiés à Tindouf», cette ONG dit clairement que ses chercheurs «n'ont pas trouvé de preuves sur un quelconque genre d'atteinte graves». «C'est un rapport où l'on soulève beaucoup d'insuffisances. Où est l'esclavagisme dans les camps ?», s'interroge un chercheur sahraoui présent lors de cette rencontre. Outre «des cas d'esclavagisme qui perdure», selon M. Goldstein, ce rapport évoque également des critiques de la gouvernance du Front Polisario. «Bien que le Polisario tolère certains propos et manifestations critiques à l'égard de sa gouvernance, HRW a accueilli des allégations selon lesquelles les autorités harcèleraient certains détracteurs pour s'être ouvertement exprimés», a estimé cette ONG. Pour HRW, le Polisario doit garantir aux réfugiés de protester «pacifiquement» contre «la direction du front» et «d'appeler à d'autres choix pour le Sahara occidental que l'indépendance». Le rapport parle également de «voix dissidentes entendues dans les camps de réfugiés, qui tendent à critiquer la gouvernance du Polisario mais pas son objectif politique, à savoir l'autodétermination sahraouie». Pour appuyer ses constats, l'ONG évoque quelques cas isolés. Notamment celui de la détention d'un habitant d'un camp pendant plus de deux mois après qu'il se soit exprimé en faveur de la souveraineté marocaine sur le territoire du Sahara occidental. Elle cite également le cas d'un journaliste travaillant pour une station de radio qui a déclaré que son supérieur l'avait réaffecté, ainsi que l'un de ses collègues, à titre de représailles, pour avoir écrit des articles critiques destinés à un site web indépendant. Toutefois, HRW reconnaît qu'elle n'a trouvé «aucune preuve» que le Front Polisario aurait emprisonné qui que ce soit au cours de ces dernières décennie pour ses opinion politiques ou son militantisme. L'ONG américaine de défense des droits de l'homme n'a pas non plus constaté de pratique régulière de torture par le Polisario. Mais elle remarque, pour ce qui est de la circulation des personnes, moins de liberté. «Le Polisario ne limite pas arbitrairement les déplacements de résidents, mais les autorités algériennes et le Polisario ont renforcé la sécurité en évoquant le problème de terrorisme de contrebande», lit-on dans le rapport. Ce qui est normal. Mais pour le conférencier, «ce n'est pas une manière d'empêcher les gens de circuler» ! Invité par les journalistes à s'exprimer sur la question des droits de l'homme dans les territoires occupés, M. Goldstein a reconnu que les chercheurs de HRW subissaient un «contrôle embêtant» de la part des autorités marocaines lors de l'accomplissement de leur mission dans les territoires sahraouis occupés, en dépit du fait qu'ils soient autorisés. HRW a en outre appelé les Nations unies à élargir le mandat de la Minurso aux droits de l'homme dans les territoires sahraouis occupés et dans les camps de réfugiés en Algérie. L'ONG propose à l'ONU d'établir «un mécanisme alternatif par lequel elle puisse fournir une surveillance et une communication de l'information régulières, indépendantes à partir du terrain». «C'est à l'Algérie de veiller au respect de la sécurité de toutes les populations qui sont sur son territoire, même les réfugiés sahraouis», recommande par ailleurs HRW dans son rapport. Pour cette ONG, «l'Algérie est responsable de la protection des droits de l'homme dans les camps sahraouis». Il y a lieu de rappeler que la gestion des camps des réfugiés relève exclusivement de la RASD, un Etat membre fondateur de l'UA et reconnu par de nombreux pays de plusieurs continents.