Le syndicat de l'Entreprise nationale de la télévision (ENTV) se réveille et remet au devant de la scène une des exigences de l'opinion nationale : l'ouverture sur la société. Dans son communiqué adressé, lundi dernier, à la presse, au ministère de la Communication et au PDG de l'ENTV, ce syndicat demande, tout simplement, une sorte de mise à jour du groupe public qui continue d'évoluer selon des règles révolues. Il s'agit là d'un sursaut d'orgueil des journalistes de cette entreprise qui veulent, visiblement, en finir avec les pratiques qui font d'eux des professionnels de la propagande officielle. s'agit là d'un sursaut d'orgueil des journalistes de cette entreprise qui veulent, visiblement, en finir avec les pratiques qui font d'eux des professionnels de la propagande officielle. Le cri de ce syndicat traduit, on ne peut plus clair, une extrême frustration des journalistes des différentes chaînes de l'ENTV qui ont compris que l'ouverture récente, du secteur audiovisuel risque d'accentuer l'isolement de cette importante entreprise publique. Cette sonnette d'alarme fait écho aux nombreuses revendications émanant du public de l'ENTV, de la classe politique et des acteurs de la société qui exigent à ce que ce que ce groupe, financé par l'argent du contribuable, cesse d'être un canal privé du pouvoir. En avril 2011, rappelons-le, feu Abdelhamid Mehri, ancien secrétaire général du FLN, avait adressé une lettre aux responsables de cette chaîne publique. Il leur avait demandé de permettre à l'ENTV «de jouer le rôle de service public en ouvrant des débats contradictoires sur la situation politique du pays». Près de quatre ans plus tard, l'ENTV – ou plutôt ceux qui la commandent – refuse tout changement dans le fonctionnement de cette entreprise qui continue de se mettre à l'écart des événements nationaux et internationaux. Ce monopole sur l'ENTV et le cahier des charges figé qui lui a été imposé desservent, de l'avis du professeur et spécialiste des médias Brahim Brahimi, ses intérêts et «l'intérêt général pour lequel elle existe». «Les notions ont évolué. De 1945 à nos jours, les missions des médias en général et de la télévision en particulier ont connu plusieurs changements. La notion même de service public n'existe plus dans les pays occidentaux. Elle a laissé place à l'intérêt général, puis à l'intérêt public», explique-t-il d'emblée. Selon lui, la notion de service public a été instaurée à l'époque du monopole sur l'audiovisuel.Une chaîne sans public. «Les législations internationales ont évolué. Aujourd'hui, on parle, dans le monde, du droit à la communication et de médias et société. Cela veut dire que les médias doivent être au service de la société. Mais on ne veut pas comprendre cela en Algérie. La loi sur l'information de 2012 est la parfaite illustration de cet entêtement à maintenir le statu quo dans le secteur», soutient-il. Pour Brahim Brahimi, la réaction du syndicat de l'ENTV vient en conséquence de l'érosion de l'audimat de leur entreprise. «Ils (les journalistes de l'ENTV) se sont rendu compte qu'ils s'adressaient à un public qui n'existe pas», estime-t-il. Mais, ajoute-t-il, la situation ne risque pas de changer de sitôt. Car toute évolution reste tributaire de l'existence d'une véritable volonté politique : «Il y a encore de bons journalistes à l'ENTV, mais la situation ne changera pas avec ce système politique.» Et de préciser que l'unique période où la télévision publique a évolué de manière professionnelle était celle allant de 1989 à 1990. «La réussite de l'expérience de feu Abdou Benziane à l'époque est due à l'existence de partis politiques offensifs et d'intellectuels qui s'exprimaient en toute liberté, sans aucune censure. Il est revenu une seconde fois à la tête de la télévision, mais il n'a pas réussi à rééditer la même expérience. Car pour que cette chaîne gagne en crédibilité, elle a besoin d'un PDG compétent et d'un pouvoir courageux», précise-t-il. Outre la censure et la fermeture, le professeur Brahimi évoque aussi le rôle que joue l'audiovisuel dans la lutte contre la mondialisation à travers le monde. La stratégie européenne face à l'hégémonie américaine a été basée, explique-t-il, sur la diffusion de programmes culturels européens. «Les Japonais ont investi dans les dessins animés. Et en Algérie, il n'y a rien encore. L'ENTV doit aussi faire dans l'intérêt public culturel», lance-t-il.