Le Congrès international féminin, qui se tient depuis hier à Oran sous le slogan «Parole aux femmes, pour une société de paix», connaît un franc succès vu le nombre impressionnant de participantes et de participants qui y ont afflué des quatre coins du monde pour prendre part à ce rendez-vous planétaire. L'auditorium du Centre des conventions a été pris d'assaut, dès les premières heures de la matinée, par «plus de 3000 congressistes», selon les organisateurs, la fondation Djanatu Al Arif et l'ONG internationale AISA. Ce sommet mondial, prévu durant quatre jours, est le premier du genre à être organisé dans le monde musulman. Son but est de «promouvoir la nécessaire équité entre les hommes et les femmes, socle indispensable de la construction de la paix», a déclaré cheikh Khaled Bentounes, président d'honneur de ce congrès, dans un discours prononcé à l'ouverture des travaux. Dans la foulée, cet écrivain, pédagogue, conférencier et guide spirituel de la confrérie soufie Alawiya a annoncé «le lancement d'une pétition pour l'instauration d'une journée mondiale symbolique de la paix». «Il est urgent que nous réfléchissions ensemble à construire la société du vivre-ensemble. Laissons les graines de la paix germer pour les générations futures. Nous souhaitons et nous véhiculons le désir de paix», a lancé ce fondateur de nombreuses associations implantées au Maghreb, en Europe et dans le monde dans le but de promouvoir la paix. «Il y a une année, ce congrès était un rêve. Aujourd'hui, c'est une réalité. Nous avons tenu à l'organiser pour prôner la notion du mieux vivre-ensemble», poursuit-il.Lui succédant à la tribune, Mohamed Ali Boughazi, conseiller du président Bouteflika, a prononcé une allocution de soutien à cette initiative, ce congrès étant placé sous le patronage du chef de l'Etat. Fatma Oussedik, que nous avons interrogée, a lancé un appel pour «l'abrogation du code de la famille, un texte synonyme de déni des droits fondamentaux de la femme». Cette sociologue réclame également une meilleure insertion des femmes dans le monde du travail. Vecteur de paix «Seules 17% des femmes sont actives en Algérie. L'accès au travail reste très difficile pour les femmes», dénonce-t-elle. Cette chercheure dans le domaine de l'identité, du statut de la femme dans le Monde arabe et musulman et le multiculturalisme dans le monde méditerranéen, animera aujourd'hui des communications intitulées «Tradition et modernité, quand l'une enrichit l'autre» et «Transmission des coutumes et traditions aujourd'hui». Dans la matinée d'hier, Valérie Colin-Simard (France), auteur de sept livres dont le dernier, Masculin, Féminin, la grande réconciliation, a évoqué «La réconciliation du féminin et du masculin comme vecteur de paix». «Aujourd'hui en Occident, au moins sur le plan des principes, la femme est l'égale de l'homme. Mais, il n'en est pas de même des valeurs du féminin : compétition, chiffres, intellect sont mis sur un piédestal, souvent au mépris de nos émotions, de notre créativité, de notre vie. Ce modèle nous convient-il toujours ?» s'interroge-t-elle. «Dans le monde du travail, poursuit-elle, bien des hommes découvrent que les valeurs féminines que sont l'écoute, l'empathie ou la coopération, alliées à leurs valeurs masculines, leur donnent du charisme, améliorent leurs performances. Tandis qu'à trop vouloir suivre les seules et uniques valeurs du masculin d'efficacité et de productivité, bien des femmes s'épuisent.» «Nous tous, hommes et femmes, avons trop souvent oublié la puissance des valeurs du féminin. Nous avons maintenant besoin d'une vision plus vaste, qui innove et ouvre les frontières», plaide-t-elle. «Ce nouvel équilibre entre valeurs du féminin et du masculin est essentiel pour nous permettre de comprendre la crise que nous traversons. Il est peut-être le problème le plus urgent de notre temps et l'enjeu crucial d'un nouveau combat qui vise à libérer non seulement les femmes mais aussi les hommes. Pour devenir des êtres humains à part entière, masculin et féminin à la fois. Et entrer dans l'ère de la réconciliation», conclut-elle. Libérer les femmes pour libérer les hommes De son côté, l'islamologue tunisien Youssef Olfa, chercheur dans la pensée religieuse, le dialogue des civilisations et la question des femmes, a présenté une communication intitulée «Féminin : être ou paraître ?» L'historienne et journaliste française Audrey Fella, spécialisée dans les domaines du religieux, a développé une communication autour du thème «Féminin-masculin : au-delà du genre». L'après-midi a été consacrée à la tenue d'ateliers thématiques. Le premier axe développé est intitulé «Violences à l'égard des femmes, quelles solutions ?» Il a été animé par Imane Hayef (représentante de l'ONU Femmes), Anissa Smati-Bellahsene (Association de femmes algériennes, Réseau Wassila) et Nadia Aït Zai. Le deuxième atelier intitulé «Rupture avec les stéréotypes féminins» a été animé par Issam Toualbi-Thaâlibî et Bénédicte de Navacelle. Le colloque a vu également la participation de Wassyla Tamzali, grande figure féministe qui milite pour un dialogue entre les peuples de la Méditerranée. Cette ancienne avocate, ancienne journaliste, directrice des droits des femmes à l'Unesco à Paris, et Valérie Colin-Simard ont développé une grande complicité pour animer ensemble un intéressant atelier sur le thème «Une meilleure répartition des rôles et des responsabilités». L'atelier a été très riche en débats et a permis à beaucoup de femmes et d'hommes de s'exprimer et d'échanger leurs vécus autour de ce sujet sociétal.Tahar Gaïd et Carmen Del Rio Pereda (Espagne) ont évoqué «Le féminin dans le Coran». Wassyla Tamzali donnera, aujourd'hui, un éclairage sur «Statut et droits de la femme». Une table ronde avec les médias est prévue autour de la question «Comment mettre l'information au service de l'humain ?» animée par des hommes de médias de Liberté, El Watan, Le Quotidien d'Oran, El Djoumhouria, et Philippe Dessaint, directeur en charge des projets événementiels internationaux à TV5 Monde.