Septembre 2014. Pendant tout un mois, la Cinémathèque d'Oran a abrité un cycle consacré au cinéma italien. Tous les jours, à raison de deux séances, les cinéphiles oranais avaient loisir d'aller voir, ou revoir, les grands chefs-d'œuvre qui ont fait l'âge d'or du néoréalisme italien : le Voleur de Bicyclette, La Dolce Vita, Parlons femmes, etc. Pour l'anecdote, les jours où était projeté Le Guépard (palme d'or en 1960), la cinémathèque proposait une séance unique, car ce très long-métrage durait plus de 4h. Autant dire qu'une bonne aubaine était offerte aux mordus du septième art qui pouvaient s'en donner à cœur joie. Cela dit, petit bémol : dans ce bel enthousiasme, le public avait fait défaut. Parfois, faute de spectateurs, la Cinémathèque annulait carrément la projection de la deuxième séance. Le seul jour où on avait constaté un certain engouement, c'était le jour où devait être projeté L'Etranger de Visconti, qui n'est rien d'autre qu'une adaptation du roman d'Albert Camus, dont le tournage s'est effectué à Alger, avec Marcello Mastroianni dans le rôle principal. Hélas, les quelques spectateurs qui s'étaient donné la peine de venir avaient dû retourner bredouilles chez eux, car la qualité du film était si mauvaise que la projection a tout simplement été annulée. Après le cycle consacré au cinéma italien, passant du coq à l'âne, la cinémathèque a proposé, pour la première quinzaine du mois d'octobre, des films de science-fiction (autrement, des films destinés plutôt à des grandes salles commerciales qu'à la Cinémathèque), mais passons. Là, non plus, on ne comptait pas foule : s'il y avait une fréquentation un tantinet plus assidue de la Cinémathèque, notamment au rang des plus jeunes, on ne parvenait pas pour autant à remplir la salle, ne serait-ce qu'à moitié. Cela indique clairement combien le public oranais boude les salles obscures et n'a d'yeux que pour les projections individuelles, «at home». «Débourser à peine 70 DA pour voir La Dolce Vita ou Le Voleur de Bicyclette et se retrouver au final avec une salle vide, ce n'est pas croyable !» nous dira une cinéphile, navrée de cet état de fait. Un autre tiendra un discours plus édulcoré : «Les vieux films sont à présent accessibles au plus grand nombre via les sites de téléchargement. Pour ma part, je préfère les voir seul, à partir de ma chambre. J'aurai ainsi le loisir de repasser à souhait des scènes, à arrêter le film quand je veux, pour le reprendre après. Pour que j'aille au cinéma, il faudrait que me soit offert un luxe que je n'ai pas chez moi (écran 3D, sons venant de partout, salle sophistiquée…) et autant dire qu'avec la Cinémathèque ce n'est pas tellement le cas !» Mais, dans ce cas-là, où retrouver l'ambiance spécifique des salles obscures et du plaisir d'aller voir un film en groupe sur grand écran ? Car cette ambiance spéciale, celle de voir quotidiennement des salles bondées et qui a fait la belle époque du cinéma algérien durant les années 70' est hélas, de nos jours, classée archives. De nos jours, les rares fois où on voit la Cinémathèque se remplir, c'est quand est projeté un tout nouveau crû cinématographique. Pour exemple, depuis le 16 octobre dernier, la salle enregistre une moyenne plus ou moins acceptable de spectateurs (une cinquantaine par séance) pour voir Fadhma N'soumer de Belkhacem Hadjaj. Gageons qu'un engouement similaire sera constaté lors de la projection de El Wahrani de Lyes Salem, prévu pour la première dizaine du mois de novembre. Il n'empêche, ce genre de film aurait dû être projeté au Régent ou au Colisée, dans ces grandes salles réhabilitées à coups de millions, et qui ne sont opérationnelles qu'au gré des festivals. La Cinémathèque, elle, doit se consacrer exclusivement à la projection de vieux films. Mais, pour cela, il faut qu'il y ait un public. Là est le hic !