Achoura, fête juive et musulmane à la fois, est fêtée par des rituels ancestraux ancrés dans la tradition des habitants des villes sahariennes. Outre les retrouvailles familiales autour d'un grand repas convivial partagé dans le bonheur à cette occasion, la grande marmite de fèves bouillies dont des assiettes pleines passent à travers les maisons reste le grand dénominateur commun de cette journée. Tfaska n'Abyanou au M'zab Les quartiers mozabites ont renoué cette année avec cette tradition de la fête de Achoura où de grandes marmites en zinc ou cuivre sont placées en pleine rue. D'impressionnantes quantités de fèves trempées la veille sont ainsi bouillies dès l'aube pour être prêtes à être consommées en milieu de matinée par les enfants. Les bambins sont les rois de cette fête. Ils viennent en grand nombre dans un brouhaha indescriptible réclamer leur part de fèves chaudes parfumées de cumin ou sucrées au jus de dattes, selon le goût de chacun. Tous les passants sont invités à prendre une assiette de fèves brûlantes à consommer sans modération en cette belle journée de paix, que la ville de Ghardaïa a fêté avec un plaisir non dissimulé. Au niveau du quartier d'El Korti, dans la grande cour de la maison du coran, une immense marmite a été dressée dès le matin pour être distribuée en début d'après-midi. Ibaouène, qui veut dire fève en berbère de la région du M'zab, est également préparé dans toutes les maisons du M'zab. Les ménagères ont pris la précaution de trier les plus belles fèves, des les tremper à temps et les cuire dans de l'eau douce pour garantir un bon plat aux fèves tendres salées ou sucrées. Ce plat est également accompagné d'un mélange de fruits secs et de confiseries distribué aux enfants tout au long de la journée. Un mélange ressemblant à celui du Nayer et qui accompagne généralement les fêtes religieuses et autres occasions familiales dans les oasis peu habituées à la confection de gâteaux avant l'introduction de nouvelles traditions imposant des sucreries venues d'autres villes avec d'autres coutumes. Chayeb Achourah à Ouargla Le jeûne des 9e, 10e et 11e jours du mois sacré de Moharrem est sacré à Ouargla, où beaucoup de vieux et de jeunes accomplissent au moins une journée de carême pour honorer cette journée de délivrance du prophète Moise recommandée par le prophète de l'islam Mohammed, que le salut soit sur lui. Comme à Ghardaïa, les enfants sillonnent les quartiers de maison en maison pour prendre des fèves chaudes. Ils sont munis de fourchettes ou de longues tiges de bois pour attraper les plus belles fèves de la marmite. Certaines familles leur préparent même de petits sachets préalablement remplis de fèves pour éviter de trop remuer l'eau de cuisson et casser des fèves tendres et odorantes. Les assiettes sont échangées entre voisins et proches. Elles sont salées et épicées ou sucrées à base de dattes écrasées. Les vieilles femmes préparent aussi de petits pains ronds cuits à sec pour accompagner les dattes et autres fruits secs distribués à l'occasion. Certains quartiers perpétuent encore le rituel de l'épouvantail païen de Chaïb Achoura qui vient exiger sa part de fèves à son tour. Des enfants se déguisent alors de chiffons et paradent dans les rues du ksar pour avoir de belles parts de fèves et de confiseries en ce jour béni de paix et de bonheur avant de rentrer à la maison où un bon couscous aux épinards et viande séchée conservée depuis l'Aïd les attend pour le soir. De nos jours, l'autre tradition emblématique de Achoura, celle d'offrir de l'huile à cheveux pour les filles, s'est perdue dans les dédales de la vie moderne et du défrisage qui ont eu raison des cheveux frisés et des crinières naturelles des filles du Sud.