Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.
«Le système veut acheter les âmes, les plumes et les lignes éditoriales» Nasreddine Lezzar. Avocat, ancien président du TAS, spécialiste de l'arbitrage international
-Le ministre de la Communication, Hamid Grine, vient de faire endosser publiquement au gouvernement l'entreprise de mise à mort programmée de titres de la presse libre. Il vient de lancer un appel, assorti de menaces, en direction des opérateurs privés nationaux et internationaux pour couper la publicité aux journaux récalcitrants. Comment, dans les milieux d'affaires, est perçue cette décision ? «Un journal qui diffame l'Etat n'aura pas la publicité de l'ANEP.» La phrase sibylline, péremptoire, découle en toute logique d'une circulaire de sinistre mémoire, faisant injonction aux entreprises publiques de confier leur portefeuille publicitaire à l'ANEP. Cette décision a créé des dysfonctionnements énormes dans la parution des annonces qui vont du choix de supports inappropriés – un appel d'offres relatif à l'acquisition de matériel hautement technologique publié dans Planète sport – à des placards relatifs à des marchés publics parus longtemps après les délais de soumission avec tous les dégâts directs et collatéraux que cela cause. Cette agence publique avait pour instruction, écrite ou non écrite, de favoriser les journaux du secteur public ou politiquement affiliés. Le système est fidèle à lui-même, cohérent dans sa démarche de vouloir tout régenter tout soumettre. Il veut acheter les âmes, les plumes et les lignes éditoriales.Maintenant, un autre palier dans le crescendo de la censure et de l'intimidation est atteint en ciblant justement les opérateurs privés. Ceux-ci, qui avaient cassé le monopole public, sont menacés de représailles, sans dire lesquelles, mais elles sont multiples. Elles vont de l'exclusion des marchés publics aux redressements fiscaux en passant par les embûches administratives et bureaucratiques. -Ces manœuvres interviennent dans un contexte de vide juridique, incompréhensible mais voulu, marqué par l'absence conjointe d'une loi sur la publicité et d'un organe indépendant de régulation de celle-ci. Le ministre revient plusieurs fois, dans son interview (à TSA, ndlr), sur l'éthique comme critère de distribution de la manne publicitaire. Moralisation bien ordonnée commence par soi-même. L'éthique commence par laisser l'annonceur choisir son support publicitaire. J'ai noté, ahuri, une phrase dans l'interview du ministre : «La démarcation, pour nous, se fait sur le plan éthique. Un journal à fort tirage qui diffame, manipule et insulte est dangereux pour le lecteur, pour la sécurité publique ainsi que pour la stabilité du pays.» J'ai peine à croire que j'ai bien lu. Le pouvoir récupère et le pouvoir absolu récupère absolument.