Les Libanais ont tout perdu sauf l'essentiel qui permet de surmonter toutes les difficultés. A l'inverse, l'armée israélienne a détruit le Liban, mais elle a paradoxalement aidé à faire l'unité de ce pays en supposant bien entendu que celle-ci était fragile, ou sujette à caution. Autre élément découlant de ce constat, tous les calculs aussi bien israéliens que de ceux qui ont initié et poussaient à l'application de cette fameuse résolution 1559 stipulant le désarmement du Hezbollah, sont les autres perdants de cette bataille. Dans un pays que l'on disait prisonnier du Pacte national de 1943, un accord non écrit répartissant le pouvoir dans toutes les institutions de l'Etat, il était peut-être facile de croire que certaines franges de la société allaient se montrer sensibles aux arguments développés contre le Hezbollah, et surtout aux pressions de ceux qui se disaient les amis de ce pays. Leur échec est sur toute la ligne. Jonction des forces libanaises C'est d'abord la classe politique libanaise qui a décidé de mettre de côté ses fortes divergences apparues lors du dialogue national lancé en avril et qui a connu une fin en queue de poisson pour n'avoir pas pu régler des questions aussi sensibles que le sort du chef de l'Etat, et le désarmement du Hezbollah, mais tout en affirmant que ce dernier volet relève des questions intérieures. Plus que cela, c'est tout le gouvernement libanais qui a affirmé son unité autour de son premier responsable. Et aussi d'un programme énonçant les conditions de l'application de la souveraineté de l'Etat libanais, lesquelles constituent jusque-là, la raison d'être du Hezbollah, ou plus simplement de la résistance libanaise. De leur côté, les chefs religieux chrétiens et musulmans, qui jouent encore un rôle important au moins dans la société libanaise, s'inscrivent eux aussi dans ce même cadre. Ils ont réclamé hier que l'Etat libanais assume son autorité sur l'ensemble du territoire, tout en rendant hommage au Hezbollah, suivant en cela une décision de la Ligue maronite qui a affirmé que ce dernier est un mouvement de résistance. « Le recouvrement par l'Etat de son entière souveraineté et de ses responsabilités sur l'ensemble du territoire libanais constitue le socle national rassemblant tous les Libanais, qui y trouvent leur salut », a souligné le sommet des chefs religieux tenu au siège du patriarcat chrétien maronite de Bkerké, au nord de Beyrouth. Les dignitaires religieux ont, par ailleurs, « rendu hommage à la résistance anti-israélienne dont le Hezbollah représente l'axe essentiel et qui constitue une des principales composantes de la société » libanaise, selon le communiqué lu à l'issue du sommet par Mohammad Sammaq, qui préside le Comité du dialogue islamo-chrétien. Le sommet a, en outre, jugé que les « agressions » d'Israël, dans son offensive déclenchée le 12 juillet, contre le Liban, « constituent des crimes de guerre contre les Libanais », et appelé la communauté internationale à imposer son « arrêt immédiat ». C'est dira-t-on, la jonction de toutes les forces libanaises qui vient d'établir un axe tranchant avec les années de guerre civile, ou encore ce réflexe communautaire que l'on disait encore fort. Aux origines de la résistance A la réunion de Rome la semaine dernière, M. Fouad Siniora avait dans ses bagages un mandat en bonne et due forme qui détruit l'ensemble de la résolution 1559. Et cela tranche aussi et même surtout avec la propagande israélienne dont les chef de file, Shimon Peres, véritable chef de guerre, s'évertue à vouloir faire croire que « c'est le Hezbollah qui détruit le Liban. C'est une organisation libanaise qui combat contre son pays, qui sert les intérêts de l'Iran qui cherche à créer une hégémonie perse au Moyen-Orient. Pourquoi le Liban aurait-il besoin d'avoir le Hezbollah ? Le gouvernement libanais avait été capable de se débarrasser des Syriens, pourquoi ne peut-il pas désarmer le Hezbollah ? » Parce que tout simplement, et M. Peres refuse de l'admettre, les Libanais refusent de s'inscrire dans cette voie, ou encore que leur armée n'est pas cette bande de supplétifs qui n'était là que pour exécuter ses ordres. Plus clairement, l'Etat libanais refusait de déployer son armée non pas parce que le Hezbollah l'y avait précédé, mais bien parce qu'elle refusait de contrôler pour Israël une frontière tracée par ce dernier. Il faut donc aller aux origines de la résistance pour expliquer son existence même. D'ailleurs, le Hezbollah qui a quitté progressivement son habit de mouvement para-militaire, pour le statut de parti politique, s'inscrit lui-même dans cette tendance, et les autres parties libanaises malgré une certaine défiance à son égard, l'y ont aidé en siégeant depuis juin 2005 avec lui aussi bien au parlement où il compte douze députés, qu'au gouvernement où il est représenté avec deux ministres. C'es donc le grand acquis pour le Liban et son autorité qui se rapproprient toutes les questions relevant de la souveraineté nationale, comme le fait de décider la guerre. Après le consensus de départ, c'est cette fois, l'unanimité. Une grande victoire pour le Liban qui a choisi sa propre voie, pas celle que lui traçait la résolution 1559.