Une autre amie de l'Algérie s'en est allée. Fanny Colonna, chercheure et spécialiste de l'Algérie, est décédée, hier à l'âge de 80 ans, laissant derrière elle un trésor inestimable fait de recherches et de production scientifique. Celle qui a vécu en Algérie jusqu'à 1992 a exploré notre pays en tant qu'islamologue, anthropologue et sociologue. Elle a publié de nombreux ouvrages et conduit des travaux en tant que directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) en France. Malgré son âge, Fanny Colonna a effectué, ces dernières années, plusieurs voyages en Algérie, où elle a donné de nombreuses conférences et communications. Elle a participé aux Débats d'El Watan. C'est lors d'une conférence donnée à notre journal, en 2010, qu'elle a résumé sa vision de la problématique de la relation entre la religion et la politique. «Dans cette contribution, je voudrais rendre compte de quelques intuitions, hypothèses et constats empiriques qui sont les miens, à propos du statut de la religion et plus précisément de l'islam, dans la société algérienne non urbaine, dira-t-on avant 1954. Des intuitions qui n'ont pas perdu leur validité au contact du terrain entre 1973 et 1995, au Gourara puis dans l'Aurès, voire au Chenoua. J'ai ordonné ce propos pour l'essentiel, autour de la rencontre, dans les années 1930 à 50, entre ‘‘cette'' religion — celle qui n'est pas ‘‘des villes'' pour dire très vite, et la prédication réformiste badisienne qui, elle, vient de la ville, même si elle est portée localement par des acteurs de tradition locale. Pour ensuite aborder les effets de cette rencontre, qui étaient tout à fait présents dans le présent des années post-indépendance, et qui le sont, semble-t-il, paradoxalement encore aujourd'hui», écrivait-elle, entre autres, dans une excellente contribution. Plus que de la production intellectuelle, Fanny Colonna n'a pas hésité à associer sa voix, lors d'une pétition signée en 2008, à tous ceux qui défendent la liberté de conscience dans notre pays. Parmi ses innombrables ouvrages, publications de référence et contributions, on peut citer notamment Les Aurès 1916-1945 : Etat des savoirs, de l'archéologie à la photographie ; Instituteurs algériens, 1883-1939 ; Les Versets de l'invincibilité, permanences et changements religieux dans l'Algérie contemporaine ; Le Meunier, les moines et le bandit, des vies quotidiennes dans l'Aurès (Algérie du XXe siècle) ; Algérie 1830-1962 : Quand l'exil efface jusqu'au nom de l'ancêtre.