En visitant le foyer pour personnes âgées de Yakouren, l'on se demande s'il existe réellement en Algérie un ministère de la Solidarité nationale. C'est en tout cas la première impression que nous avons eue devant la désolation, aussi bien morale que matérielle, dans laquelle se débat le centre. Ni les autorités locales qui veulent vider ce foyer pour le transformer en centre d'informatique ni le ministère de la Solidarité nationale, occupé ailleurs, n'ont jugé utile de venir au secours des malheureux « locataires » en souffrance mais néanmoins heureux grâce à l'association des handicapés et des aides humanitaires de la wilaya de Tizi Ouzou qui activent contre vents et marées avec leurs propres moyens et les dons des bienfaiteurs. Son président, Saïd Tighremt, veille au grain pour assurer un minimum de « confort » à toutes ces personnes dont l'âge varie entre 10 (âge d'une fillette abandonnée par ses parents) et 80 ans. Le 18 juillet dernier, il y avait 24 personnes hébergées dans ce centre dont la capacité est de 50 places. « Nous avons constitué un dossier pour bénéficier d'une subvention estimée à 470 millions de centimes par an pour 50 personnes, alors que le budget du centre de vieux de Boukhalfa est de 2,8 milliards de centimes pour seulement 38 personnes. Nous avons une dette de 130 millions de centimes d'alimentation que nous devons régler. Derrière ce manquement à accorder des subventions se cache une volonté délibérée de fermer ce centre qui demeure à ce jour le plus convoité par les vieux démunis et les handicapés », nous dit M. Tighremt.En effet, depuis le 24 février 2005, date d'ouverture du centre de vieux de Boukhalfa, tous les occupants de celui de Yakouren devaient y être transférés. Or des vieux ont carrément fui le centre de Boukhalfa, comme aâmi Belkacem, aâmi Mokrane, Lamara et d'autres, pour venir réintégrer celui de Yakouren. Le centre de Boukhalfa regroupe tous les cas sociaux, malheureusement avant de les laisser y accéder, les responsables procèdent, chaque fois, à un tri parmi tous ceux qui sollicitent une prise en charge. En tout état de cause, ceux qui veulent transformer le foyer des personnes âgées de Yakouren en centre d'informatique sont détrompés, car la wilaya d'Alger viendra aussitôt le récupérer. Ce centre appartient, en effet, à la wilaya d'Alger qui l'a cédé au Croissant-Rouge algérien pour l'utiliser à des fins humanitaires. Le directeur lance un appel à tous ceux qui sont en détresse pour venir dans ce centre. Une vingtaine de places sont encore disponibles. Les responsables du foyer de Yakouren, qui devient désormais un centre d'accueil et d'orientation pour personnes en détresse, comptent sur les aides des bienfaiteurs et les dons des citoyens pour prendre en charge toutes ces personnes en difficultés. L'objectif principal pour le président de l'association est de maintenir ce centre, de lui attribuer un statut et de le financer avec les moyens de l'Etat. Aâmi Belkacem, sans famille, a quitté sa région natale de Beni Zmenzer pour toujours. Il vit ses jours « en paix » dans son box bien arrangé. Il donne volontairement un coup de main aux ouvrières du centre dans leurs tâches quotidiennes. Assia G., une fillette de 10 ans et demie, abandonnée d'abord par son père puis par sa mère qui, après avoir passé un séjour au centre, est repartie pour ne plus revenir. La fillette, élève en classe de 4e AF dans une école primaire de Yakouren, nous a raconté l'histoire dramatique du double divorce de sa mère mais avec toutefois un brin d'humour et de courage. Elle a reçu une seule fois ses oncles paternels et son père et depuis ils ne sont plus revenus. Avant de la quitter, elle nous a chanté avec sa voix extraordinaire une chanson française de Lara Fabian. Le centre d'accueil et d'orientation pour personnes en détresse, situé dans le cadre agréable de Yakouren à la lisière de la forêt de l'Akfadou, mérite un peu plus d'attention de la part des pouvoirs publics afin d'améliorer les conditions de vie et de séjour de tous ces laissés-pour-compte.