Le président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Jakob Kellenberger, sort de son long silence. Il admet que le nombre de civils blessés ou tués depuis le début de l'agression israélienne sur le Liban pose de graves questions sur la protection de la population et l'utilisation disproportionnée de la force. Il se défend que le CICR joue le brancardier d'Israël. « L'horreur de Qana montre l'importance du droit international humanitaire et du respect des règles sur la conduite des hostilités. Nous avons insisté dès le début auprès des parties en conflit sur l'interdiction des attaques contre les civils et l'obligation de distinguer à tout moment les populations des combattants et les objectifs civils des objectifs militaires », a affirmé le président du CICR dans un entretien accordé au quotidien suisse Le Temps. Pour le CICR, il y a urgence humanitaire au Liban aujourd'hui. Les trois denrées les plus demandées sont les aliments pour bébé, les rations et les kits d'hygiène. L'autre priorité est d'assurer un soutien au service d'ambulance de la Croix-Rouge libanaise, à ses 20 cliniques et aux hôpitaux du pays. « Ils font un formidable travail et font face à l'afflux de blessés. Mais leurs stocks de médicaments s'épuisent. » L'objectif de l'organisation pour les prochains mois au Liban est d'approvisionner en nourriture et biens courants 200 000 personnes, d'assurer l'accès à l'eau potable pour 1,2 million de gens et de soutenir les équipements médicaux pour 650 000. Sur la zone du conflit, Jakob Kellenberger a dénoncé les difficultés que rencontrent le Comité international de la Croix et le Croissant-Rouge pour l'accès aux localités proches de Aitaroun et au sud de Bent Jbeil. « Là, l'intensité des combats nous bloque, c'est le point noir », résume-t-il sans ambages. Dans certaines régions du Sud-Liban, le CICR a dû rebrousser chemin parce que les combats faisaient rage. « Comme vous le savez, chacun de nos convois fait l'objet auprès des deux parties d'une notification, comme toujours dans un conflit aussi intense. Nous avertissons de notre départ et de notre destination. Or, sur cette base, nous n'avons pas souffert d'obstruction. Mais il y a des jours où, malgré le feu vert reçu, vous ne pouvez pas bouger. La sécurité de notre personnel est une grande responsabilité. C'est une véritable guerre qui se déroule au Proche-Orient », a souligné le président du CICR. Ailleurs, l'organisation humanitaire a acheminé au total de l'aide au Liban pour près de 5000 familles à partir de ses deux bases dans le Sud, à Tyr et à Marjayoun. Jakob Kellenberger explique que le CICR a accès à la plupart des localités frontalières à partir des routes Naqoura-Rmaich et Marjayoun-Kfar Kila. Une mission d'exploration vient d'avoir lieu vers Baalbek. Le CICR envisage maintenant d'accroître l'aide aux déplacés de guerre réfugiés à Saïda et à Tripoli. L'organisation humanitaire a affrété un navire de mille tonnes qui fait une rotation entre Chypre, Beyrouth et Tyr. « Nous sommes de très loin le plus important opérateur humanitaire dans la zone », précise encore le président du Comité international de la Croix-Rouge. Le chef du CICR n'a pas peur des critiques dans le monde arabe et surtout que le CICR apparaît au Liban comme le brancardier d'Israël. Jakob Kellenberger juge que cette vue ne correspond pas à la réalité. Nous sommes présents et actifs dans la région depuis 1967. L'opération au Liban est maintenant la deuxième plus importante pour le CICR, après le Soudan. Plusieurs de nos grandes opérations humanitaires actuelles se déroulent dans le monde arabe. Et dans une lettre ouverte publiée dans la presse helvétique, Jakob Kellenberger a affirmé que la guerre entre Israël et le Liban est un conflit armé entre deux Etats du point de vue du droit international humanitaire. Il justifie ses propos par les actions de l'armée israélienne au Liban menées sans le consentement du gouvernement libanais et par les blocus aérien et maritime. Il est vrai que les combats ont lieu entre Israël et le Hezbollah, reconnaît Jakob Kellenberger. Mais même dans ce cas, les règles du droit international humanitaire s'appliquent. Selon son président, le CICR a rappelé avec fermeté aux parties en conflit les règles les plus importantes du droit international humanitaire, en particulier l'obligation de ne pas attaquer les populations civiles. Il a aussi exigé dès le début le respect de la proportionnalité dans l'utilisation de la violence militaire.