Il existe une ligne rouge internationale qui protège Beyrouth, du moins son centre, résultat d'une sorte d'accord tacite. Mais bon, tout est possible », lâche un journaliste d'Annahar non loin d'une une de son journal mise sous verre et placardée au mur datant du 5 juin 1982, le jour où Israël bombarda Beyrouth Ouest, ses positions palestiniennes transformant notamment la cité sportive en trou béant. La capitale libanaise vit une véritable psychose après les déclarations du chef d'état-major israélien concernant l'étude de frappes sur Beyrouth-Centre. Depuis mercredi dernier, les rues du down-town, les artères commerciales et le quartier animé du Monot à Djemayzé, sont retombés dans une morosité qui s'était relativement amoindrie la dernière semaine suite à un répit des frappes aériennes et maritimes durant cinq jours. Une psychose renforcée par les raids israéliens mercredi et jeudi au petit matin contre la banlieue Sud et sa façade maritime Al Ouzaï sur la route menant vers l'aéroport de Beyrouth. L'aviation israélienne a également frappé les axes routiers reliant Beyrouth au nord du pays. « On a le sentiment que les Israéliens tentent de nous encercler pour de bon : nous sommes sous embargo terrestre, maritime et aérien. Des frappes que les Beyrouthis redoutent à l'élargissement vers le cœur de leur ville et revivent ainsi le cauchemar de 1982. Nous avons à côté une mosquée chiite, c'est pour cela que nous allons fermer la boutique. On ne sait jamais », dit une vendeuse de vêtements dans le quartier Al Mazaraâ à cheval entre Beyrouth Est et Ouest, alors qu'elle aidait ses collègues à confectionner des ballots en pliant soigneusement les articles vestimentaires. Les médecins beyrouthis signalent une aggravation inquiétante des cas d'hypertensions, de malaises cardiaques, de diabète et redoutent la multiplication des dépressions nerveuses qui éclateront après les violences. « Avec une guerre tous les dix ans, on finit par s'habituer » nous dit jeudi soir Layla, une jeune beyrouthie à la sortie d'une pièce de théâtre. Rire sous le bombardement donnée à Masrah Al Madina à Al Hamra au centre-ville. Equation Tel-Aviv-Beyrouth Les acteurs font monter sur scène des spectateurs - dont une majorité de déplacés du Sud-Liban et de la banlieue sud - pour improviser des sketches alors que les avions-espions MK israéliens survolaient la banlieue sud depuis plus d'une heure, préparant les frappes contre la banlieue sud. Jeudi soir, les Libanais se sont cloués devant leurs écrans de télévisions pour suivre la cinquième intervention depuis le début de l'agression israélienne de Hassan Nasrallah qui a menacé de frapper Tel-Aviv si la capitale libanaise était bombardée. « Si vous bombardez notre capitale, nous bombarderons la capitale de votre entité agressive », a-t-il calmement averti. Nasrallah a affirmé que le Hezbollah arrêterait de tirer des roquettes sur le nord d'Israël si ce pays arrêtait de « bombarder nos villages ». Un haut responsable militaire israélien non identifié, cité par la télévision publique israélienne, a répliqué en affirmant qu'Israël anéantirait toutes les infrastructures du Liban si Tel-Aviv était touchée par une attaque. Cet échange de menaces est perçu par plusieurs observateurs à Beyrouth comme une sorte de poussée vers une impasse qui pourrait déboucher sur un arrêt de la guerre. « Si nous postulons que ces menaces participent beaucoup plus de la guerre psychologique que de la stratégie réaliste, on peut en déduire que la prochaine étape serait de conclure que les deux parties sont arriveés à la limite de leur escalade. Les deux parties préparent peut-être une sortie de crise acceptable pour les deux », estime un politicien libanais qui rappelle que Nasrallah a déclaré jeudi que le Hezbollah cesserait ses tirs de roquettes contre le nord d'Israël lorsque l'armée israélienne arrêtera d'attaquer les secteurs du -Liban abritant des civils. Annahar qualifie les déclarations de Nasrallah comme une préparation d'un « retrait sur le terrain ». Alors que le ballet diplomatique s'intensifie et que le massacre de Qana a bouleversé l'opinion publique internationale, Nasrallah a déclaré que « L'unique défi reste l'arrêt de l'agression et d'être attentif au traitement politique ». La seule condition d'arriver, sur le plan opérationnel, à un cessez-le-feu, selon des analystes, serait d'arrêter les échanges de tirs de roquettes par le Hezbollah et l'arrêt des frappes aériennes israéliennes et d'arriver à confiner le conflit armé sur le plan terrestre, là où « la notion de victoire est beaucoup plus relative, les deux parties pouvant avancer qu'ils ont gagné la bataille puisqu'elle est asymétrique ».