Assia, entourée de ses quatre enfants et de son mari Kacem, patiente au pied de son immeuble à l'entrée du quartier Maâmoura dans la banlieue sud de Beyrouth. « Une équipe de déminage est en train de désamorcer un missile tombé dans l'immeuble à côté », dit Assia, la quarantaine, algérienne native de Tébessa et qui vit au Liban depuis 17 ans avec Kacem, ingénieur électricien libanais ayant fait ses études à Annaba dans l'Est algérien. « Cela fait un mois qu'on n'est pas revenus. Les habitants de la banlieue de Beyrouth et du Sud-Liban rentrent par milliers chez eux Retour vers le Sud supplicié Assia, entourée de ses quatre enfants et de son mari Kacem, patiente au pied de son immeuble à l'entrée du quartier Maâmoura dans la banlieue sud de Beyrouth. « Une équipe de déminage est en train de désamorcer un missile tombé dans l'immeuble à côté », dit Assia, la quarantaine, algérienne native de Tébessa et qui vit au Liban depuis 17 ans avec Kacem, ingénieur électricien libanais ayant fait ses études à Annaba dans l'Est algérien. « Cela fait un mois qu'on n'est pas revenus. On s'est réfugiés dans les hauteurs de B'chamoun dans la montagne », dit Assia qui a fait un tour à son appartement pour faire un peu le ménage, dépoussiérer les meubles alors qu'un missile non explosé reste incrusté à moins de cinquante mètres des murs de son intérieur. Elle est décidée à retourner chez elle dès que le missile tombé dimanche sera enfin désamorcé. « L'ambassade algérienne m'a contactée pour quitter le Liban, mais je ne peux pas abandonner ce pays. Même mes enfants ont refusé. On nous appelle tous les jours d'Algérie. A force, on s'est habitués. On nous frappe. On quitte et on revient », dit-elle. Fahd, son fils de 10 ans, refuse d'entendre parler d'aller ailleurs : « Tous mes amis sont ici. Mon école, mon stade, ma vie ». A cent mètres, on cherche encore Mariam et Zohra, du même âge, 10 ans, sous les décombres des 11 bâtiments du quartier Rouiss mis à terre avant-hier après-midi par vingt frappes de missiles à quelques heures du cessez-le-feu. Amas de béton, rehaussé par un poster de Hassan Nasrallah et d'où jaillissent ici et là un fauteuil, de la vaisselle, une baignoire, un tiroir de vêtements, des articles d'une vie familiale bien tranquille. Poussière. Odeur âcre de brûlé. Des secouristes, masques sur la bouche et suant d'éreintement, s'affairent prudemment sur le tas de béton. « Faites attention à tout objet noir et rond par terre », nous conseille-t-on par rapport à ces engins de la mort essaimés par l'aviation israélienne. Des pompiers tentent de maîtriser les foyers de feu encore allumés après 24 heures de l'attaque. « On compte 25 disparus et nous venons de trouver 2 corps ce matin (lundi) et 8 hier. Les victimes étaient là de passage pour récupérer des affaires ou inspecter leur demeure, il y a aussi 4 passants là par hasard », indique un volontaire de l'institution de santé islamique qui a installé son bureau dans un garage aux rideaux soufflés par les explosions. Vers le Sud, tous les Sud Un tour à travers les stigmates des frappes israéliennes en plein quartiers d'habitations : Rouiss, Bir Abed, Hart Hreik, Sfeir, Chiyah, Maâmoura, etc., présentent les mêmes scènes d'immeubles éventrés ou complètement rasés, de voitures brûlées et écrasées, de rideaux de magasins soufflés, de ponts coupés en deux. Mais ce matin de lundi 14, quelque chose se passe. Car ils sont des centaines, des milliers de déplacés qui reviennent à la Dhahiya, la banlieue sud, après le cessez-le-feu entré en vigueur ce lundi matin à 8 h. L'avenue Hadi Hassan Nasrallah, du nom du fils du chef du Hezbollah tué en 1997 lors d'un accrochage avec l'armée israélienne, déserte depuis un mois, connaît un embouteillage qui fait rougir notre taxi de colère. Irréel. Un encombrement en plein quartiers dévastés par les bombes. De haut-parleurs installés sur le toit d'une vieille BMW, avec le drapeau du Hezbollah et bloquée dans l'embouteillage, arrose l'atmosphère d'un virulent prêche anti-Israël sous un pont à Sfeir bombardé à deux endroits. Les centaines de familles reviennent pour inspecter leurs maisons ou carrément se réinstaller, « même sous une tente », dit une femme âgée portant un portrait de Nasrallah. Même des curieux, caméras et appareils photos au poing sillonnent le champ de ruines. Le jardin public à Sanayaéh à Beyrouth-centre et qui abritait une centaine de personnes a vu depuis ce matin le départ de 300 habitants de la banlieue, mais aussi du Liban-Sud. Des véhicules surchargés quittent ce refuge de fortune pour prendre le chemin du Sud, malgré l'interdiction formelle des autorités libanaises et humanitaires qui craignent la présence de mines et de bombes non explosées dans tout le sud du pays et à travers ses axes routiers incertains. Des centaines d'entre eux ont ainsi réintégré leurs villages au sud du fleuve Litani et à l'est de la ville de Tyr malgré les destructions infligées aux routes et l'interdiction de déplacement maintenue également par Israël. Des milliers de voitures encombraient un axe routier quittant Saïda par le Sud. Israël a averti que tout véhicule sur les routes du Sud-Liban risquait d'être attaqué. Le blocus aérien et naval du Liban est lui aussi maintenu. « Nous préférons attendre demain (mardi), car nous ne faisons pas confiance aux Israéliens », estime une habitante de Chiyah dans la banlieue sud qui a préféré rester au jardin public d'Assanayéh, second refuge pour elle et sa famille après celui du parking souterrain de Beyrouth Mole, centre commercial à Beyrouth-Est qui a reçu des menaces de frappes il y a une semaine. L'autoroute vers l'aéroport, un des axes les plus évités durant un mois à cause de l'exposition aux tirs des navires israéliens au large, est encombrée par les milliers de voitures en partance pour ce Sud martyrisé. « On rentre chez nous. On va vers nos demeures », crie un jeune homme installé avec une dizaine de membres de sa famille à l'arrière d'une fourgonnette, dont le toit supporte des sacs d'affaires et des matelas, sur la route vers Saïda. Beyrouth revit, l'« union sacrée » ébranlée Les enfants entassés sourient. L'agression israélienne a chassé près d'un million de Libanais de chez eux, soit le quart de la population. Selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), un tiers des quelque 750 000 civils libanais qui avaient trouvé refuge au Nord devraient revenir dans les jours qui viennent si le cessez-le-feu est, d'ici là, respecté. Le Programme alimentaire mondial (Pam) a dépêché à Tyr 24 camions chargés de vivres, médicaments et abris en prévision du retour de civils déplacés à cause de l'agression. En plus des embouteillages tout au long de la journée dus aux convois de retour vers le Sud-Liban et la Dhahiya, le centre de Beyrouth s'est métamorphosé : les hôtels qui abritaient des déplacés se sont vite vidés au matin et les banques du quartier d'affaires Solidere, les magasins et enseignes habituellement fermés ont rouvert leurs portes. Même la température paraît plus douce en cette mi-août. « La guerre est une mauvaise habitude, mais on s'y fait. C'est pour cela que Beyrouth revit si rapidement et que les gens du Sud se précipitent vers leurs terres transformées en ruines. Mais bon, on voudrait bien essayer de s'habituer à autre chose », dit un journaliste d'Annahar. On accueille même dans les kiosques un nouveau quotidien, Al Akhbar lancé par Joseph Smaha et son équipe qui ont travaillé durant le mois des bombardements nuit et jour. Al Akhbar appelle à la formation d'un gouvernement d'union nationale après que des bruits de dissensions aient été répercutés depuis le report du conseil du gouvernement depuis avant-hier. Selon le bloc politique du 14 mars, formation née suite à l'assassinat de Rafic Hariri, antisyrienne et peu favorable au Hezbollah, ce dernier aurait refusé de remettre ses armes conformément à la résolution 1701. Démentie par plusieurs sources, cette information risque de créer « une crise politique interne » et « empêcherait de capitaliser ce que la résistance a pu réaliser face à Israël », estime-t-on à Beyrouth. Le Premier ministre Fouad Siniora a contacté le Secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, pour le rassurer que le Liban s'engage à respecter la résolution onusienne. « Je suis plus triste qu'au début de la guerre : comment ose-t-on accepter les conditions israéliennes. C'est comme si quelqu'un te volait de l'argent une première fois, après il revient pour te dire : ‘‘Ok, c'est réglé, on va s'arranger'' et il te vole une seconde fois et toi, tu te la fermes ! », lâche Amine, décorateur beyrouthin. Très tôt dans la journée d'hier, à deux heures du cessez-le-feu, l'aviation israélienne a largué des tracts sur les habitants de Beyrouth « Serez-vous capables de payer ce prix à nouveau ? ».