Il faut dire que cet accord entre les deux principaux fournisseurs de l'Italie en gaz, à hauteur de 70% de l'ensemble des besoins de la péninsule, n'enchante guère le gouvernement de Prodi. Pis, il complique davantage les choses pour les décideurs chargés de garantir au marché énergétique italien une alimentation régulière, stable et à moindre coût. Et si on ajoute à cela, l'appétit sans cesse croissant des sociétés italiennes qui aspirent à plus de capacité pour distribuer le gaz en Europe, après l'avoir acquis sur les marchés internationaux, la « fusion » entre Sonatrach et Gazprom ne pouvait pas tomber plus mal. Le président du Conseil italien Romano Prodi a estimé que cette entente est « la démonstration qu'il devient urgent d'atteindre une indépendance énergétique et d'œuvrer pour définir une politique européenne unifiée pour ce secteur ». Pour sa part, le ministre du Développement Pierluigi Bersani a annoncé que son gouvernement sollicitera la Commission européenne pour prendre une initiative à ce sujet. Il faut dire que l'Union européenne peine à arrêter une politique énergétique soudée et sûre, et le dernier sommet du G8 (les huit pays les plus industrialisés) qui s'est tenu en Russie, à Saint-Pétersbourg à la mi-juillet dernier, a déçu les attentes des Italiens qui voulaient profiter de cette réunion à un haut niveau, pour nouer avec le gouvernement de Vladimir Poutine des liens privilégiés en matière d'échanges gaziers. Mais l'attaque israélienne contre le Liban a relégué ces discussions au second plan. L'acharnement italien à courtiser Moscou pour en faire un allié sûr en matière énergétique n'a pas porté ses fruits, même du temps où Vladimir Poutine passait ses vacances, en invité d'honneur, dans la villa de Silvio Berlusconi, sur la Costa Smeralda, en Sardaigne. Tout juste si une déclaration de coopération entre Eni et Gazprom, dont les contours n'ont jamais été clairement définis, a été signée. Mais à l'automne dernier, cet accord a été gelé par la partie russe. Et les ruptures d'approvisionnement survenues, l'hiver dernier, ont sérieusement irrité les dirigeants de l'Eni, qui ont pris conscience de la fragilité du système d'importation italien, qui importe 31% environ de ses besoins en gaz de l'Algérie et 36% de la Russie. Et c'est sans doute pour toutes ces raisons que le président de la Commission des activités productives à la chambre des députés, le radical Daniele Capezzone, a qualifié de « événement », la transaction entre la société algérienne et le groupe russe, ajoutant — propos repris, hier, par le quotidien Il Corriere Della Sera — « cela risque d'étrangler l'Italie qui fait de plus en plus objet d'une véritable dictature du gaz ».