Une manifestation pacifique de citoyens mécontents qui tourne à l'émeute à force de provocation de mépris de la part des autorités locales et des forces de sécurité. La police tire sur la foule, c'est le drame qui se solde par la mort de citoyens et des blessés de part et d'autre. Une situation déjà vécue plus d'une fois depuis 1999 : en Kabylie, à Ouargla, à Hassi Messaoud, à Ghardaïa et dans toute la vallée du M'zab, pour ne citer que quelques exemples des plus probants depuis l'avènement de Abdelaziz Bouteflika à la tête de l'Etat. Depuis la mort du jeune Massinissa Guermah dans les locaux de la gendarmerie de Beni Douala en 2001, suivie des tragiques événements du Printemps noir de Kabylie, le pays a connu une série de manifestations citoyennes – pacifistes au départ – dont certaines, comme celles de la vallée du M'zab, se sont terminées par la mort de citoyens, suscitant colère, indignation et réprobation de la part de l'opinion. Et cela sans que le pouvoir daigne l'éclairer sur les circonstances des décès de ces Algériens : comment et pourquoi les forces chargées de rétablir l'ordre continuent à tirer, apparemment à balles réelles, sur des contestataires. On pensait et on s'attendait, surtout depuis les événements de Kabylie, que plus jamais il n'y aurait mort d'homme lors de mouvements de protestation pacifique. C'est dire combien sont forts le mépris et le manque de considération du pouvoir à l'égard des Algériens. C'est pour toutes ces raisons que les enquêtes et les rapports de commissions d'investigation sur tous ces événements qui se sont succédé depuis une quinzaine d'années n'ont jamais été rendus publics et portés à la connaissance de l'opinion. Les véritables responsabilités n'ont jamais été dévoilées, l'impunité mettant ainsi à l'abri les auteurs ou les «ordonnateurs» de telles dérives sécuritaires. Un silence imposé par le pouvoir fait qu'on ne peut que soupçonner les vrais desseins de telles manœuvres dont la finalité est de semer la division au sein des Algériens. Les quelques sous-fifres sacrifiés et livrés en pâture, selon un scénario désormais classique, ne font qu'accentuer la confusion dans les esprits. Tout cela, pourtant, cache mal le fait que le pays souffre du fléau de la non-gouvernance dû à l'incapacité d'un pouvoir autoritaire et complètement autiste à apporter des réponses concrètes aux attentes des différentes catégories de la population, dans toutes les régions du territoire. Faut-il alors s'étonner que les émeutes soient désormais le lot de tous ces laissés-pour-compte, convaincus qu'ils sont abandonnés sur le bord de la route, comme on dit, par des autorités et des officiels à tous les niveaux, qui ignorent ce que sont le dialogue et l'écoute des administrés. Ces derniers n'ont souvent pas d'autre moyen de se faire entendre des «responsables qui se trouvent à Alger» que la manifestation de rue, exprimée parfois de manière violente. A la lumière de ces événements des quinze dernières années, il est sans doute temps de penser à l'organisation administrative du territoire vers une plus grande autonomie des régions, avec plus de pouvoirs au niveau local au profit des populations. La décentralisation et la déconcentration des pouvoirs, perçus dans la fin des années 1970, ont fait leur temps. Il est sans doute temps de passer à autre chose.