Le choc pétrolier n'est plus un risque plus au moins lointain, on est désormais en plein dedans. La chute du prix du baril so us la barre psychologique des 70 dollars sur les marchés internationaux est assurément une mauvaise nouvelle pour l'Algérie. Enivrés par un baril «doré» à plus de 100 dollars durant quatre années qui permettait toutes les folies, les décideurs n'ont pas vu venir cette chute libre. Pourtant, les experts du domaine et les institutions financières internationales n'ont eu de cesse de mettre en garde contre les caprices de l'or noir. Mais comme s'ils étaient sous l'emprise de psychotropes, les responsables algériens faisaient preuve d'un incroyable déni des réalités doublé d'une cécité politique qui les empêchait d'envisager le pire dans le meilleur des cas. A 67,53 dollars, le baril du pétrole atteint le seuil critique jamais égalé depuis cinq ans. Et cela, ce n'est pas une imprécation de quelque acteur politique qui verse dans la sinistrose. C'est une réalité têtue, qui rattrape la fausse quiétude distillée par ceux qui nous gouvernent pour chloroformer un peuple définitivement désabusé. En descendant aussi bas, le prix du pétrole dénude devant les Algériens la politique du gouvernement Bouteflika qui fait de la distribution de la rente un modèle de «croissance». Et en ces temps de vaches maigres qui s'annoncent, c'est l'aspect le plus positif – si tant est qu'il y en ait un – qu'on pourrait tirer de cette dégringolade des cours du brut. Les Algériens vont se rendre compte qu'en 15 années de pouvoir, le président Bouteflika a «dilapidé» plus de 800 milliards de dollars mais n'a pas construit une économie alternative aux hydrocarbures. C'est la triste réalité que rappelle une nouvelle fois l'effondrement des cours du pétrole auxquels l'économie nationale tient comme à une perfusion vitale. Quel gâchis ! Le mythe des «injazate» (réalisations) de Bouteflika est ainsi détruit par un simple reflux, certes drastique, du prix du pétrole. Le roi est nu. Avec l'argent, Bouteflika et ses collaborateurs n'ont rien su faire, sinon alimenter la corruption et transformer l'économie en grand bazar. Imaginons donc ce qu'ils pourront bien faire sans cette manne providentielle qui leur permettait aussi d'acheter la paix sociale, quel qu'en soit le prix… Il ne s'agit pas de jouer l'oiseau de mauvais augure, mais le danger est à nos portes. Avec un baril à ce prix, le gouvernement ne pourra objectivement pas faire face à l'ampleur des demandes sociales, aux programmes massifs d'investissements publics. Mais le plus délicat est de devoir faire face à des mouvements sociaux dont la colère n'est pas indexée sur le prix du pétrole. Il est en effet une certitude quasi-mathématique que l'Algérie aura désormais nettement moins de recettes ; elle risque même de ne pas assurer les salaires gonflés de ses bataillons de fonctionnaires. Le gouvernement Sellal sera obligé de «manger» son bas de laine ; c'est-à-dire le fameux Fonds de régulation des recettes (FRR). Voici, mine de rien, comment la bénédiction du pétrole peut virer rapidement à la malédiction. CQFD.