Faut-il s'inquiéter de la baisse des prix du baril qui a perdu depuis le mois de juin dernier près de 30 dollars ? Même si les responsables se veulent rassurants, la réponse est «oui». Il faut s'en inquiéter pour la simple raison que plus de 97% des recettes en devises du pays viennent des exportations. Un chiffre massif qui rend étrange le débat visant à relativiser voire à nier qu'il existe un problème sérieux d'usage de la rente pétro-gazière dans le pays. Le syndrome hollandais n'est pas une vue de l'esprit et ce n'est pas la redistribution, très inégale, qui s'effectue en faveur des salariés qui le rend moins grave. La question de l'extrême dépendance de l'économie du pays à l'égard de la rente est posée depuis des décennies et aucune solution, qu'elle soit «libérale» ou «sociale», n'est mise en œuvre. L'Algérie «bouffe» sa rente, ce n'est pas en jouant sur les mots et les chiffres que l'on va balayer cette réalité structurelle. C'est cela la forme négative du «consensus» qui règne, celui qui dépend du niveau des recettes pétrolières. Aller vers la diversification de l'économie implique un changement de cap et des décisions qui remettent en cause des situations acquises. Ou alors négocier un consensus politique nouveau pour le changement et la sortie du statuquo. Le «discours sur la rente» n'est pas un cliché. Comment en faire un usage vertueux, «productif» n'est pas un débat inutile et, c'est une évidence, il suppose des choix politiques qui ne sont pas séparables des intérêts, de plus en plus divergents, entre les classes sociales. On ne doit pas oublier que la crise politique violente entamée en octobre 1988 est directement liée à la chute drastique des prix du pétrole au milieu des années 80. L'Algérie avait commencé à comprendre, sans en tirer par la suite les enseignements nécessaires, qu'un ministre du Pétrole saoudien, à l'époque c'était Zaki Yamani, pouvait peser lourdement sur son histoire. La configuration n'est pas très éloignée aujourd'hui où les Saoudiens ne veulent pas de décision de baisse de production à la prochaine réunion de l'Opep. Le ministre saoudien ne parle que de laisser jouer le marché alors que les analystes cherchent des motivations politico-économiques à sa démarche : affaiblir la Russie et l'Iran ? Engager le bras de fer avec les producteurs du pétrole de schiste ? Ce qu'on peut constater est que l'Algérie n'est pas «acteur» dans la conjoncture actuelle. Comme le rappelle un confrère, Alger doit « garder profil bas» car n'ayant pas la main sur les enjeux actuels. Mais cela doit au moins maintenir le débat sur l'avenir économique du pays. Les constats établis régulièrement sur l'impact de la rente ne relèvent pas de la sinistrose ou de la volonté de dénigrer. La rente pétrolière, inégalement redistribuée, a assuré pendant des périodes assez longues une relative paix sociale. Mais la contrepartie structurelle a été une stérilisation de la créativité, une domination de la bureaucratie et une dépendance absolue à l'égard des importations. C'est toujours le cas. Et ce n'est pas un faux débat.