Les travaux de la 8e réunion des points focaux du Centre africain d'étude et de recherche sur le terrorisme (Caert), entamés hier à Alger, ont été marqués par trois interventions consacrées essentiellement à la situation sécuritaire en Afrique et à la lutte antiterroriste. Les trois points développés ont mis en avant les défis imposés par la multiplicité des groupes terroristes et l'expansion de leurs activités criminelles vers des régions jusque-là épargnées. Le directeur général du Caert, Francisco Madeira, a évoqué l'«évolution dangereuse» de ces activités devenues, selon lui, plus pernicieuses, et la «dégradation de l'environnement socioéconomique faisant de beaucoup de pays un terreau» pour le recrutement dans les rangs des terroristes, mais aussi les conflits armés internes avec les dommages collatéraux subis par les régions limitrophes. Comme chaque année, M. Madeira a plaidé pour «un renforcement de la coopération, une formation plus adaptée des services de lutte, une politique de développement plus offensive et la suppression des déséquilibres». Pour la énième fois, il a appelé à une stratégie globale de lutte contre le terrorisme qui, faut-il le préciser, peine à voir le jour en Afrique, et ce, depuis une décennie. Intervenant en tant que représentant de la Mauritanie (actuellement présidente de l'Union africaine), l'ambassadeur de ce pays à Alger, Boullah Ould Mougueya, a tenté d'analyser la situation sécuritaire dans la région du Sahel, en insistant sur le conflit malien, qualifié de «potentiellement dangereux». Il a affirmé que «c'est la principale cause de la détérioration de la situation sécuritaire dans la région», alors que les spécialistes savent que le Mali n'est qu'une victime collatérale de l'intervention militaire en Libye. En quelques phrases, Boullah Ould Mougueya qualifie la Libye de «bastion du terrorisme» et évoque «les conséquences de l'armement lourd détenu par les terroristes, les narcotrafiquants et les criminels». Pour l'ambassadeur, les groupes terroristes qui activent au Sahel se limitent à AQMI, Boko Haram et Al Murabitun ; le Mujao a été écarté. Une «omission», explique-t-il. Le diplomate reconnaît cependant que depuis le déclenchement de l'opération française Serval, il y a bientôt deux ans, «même si les groupes armés ont été sérieusement affectés, l'insécurité persiste au Nord, la menace s'est étendue à d'autres régions et les terroristes ont développé des capacités d'adaptation pour s'implanter ailleurs». Commissaire de l'UA pour la paix et la sécurité, Smaïl Chergui s'est attardé sur la situation sécuritaire dans de nombreux pays africains confrontés au terrorisme, tout en précisant que cette violence est liée à celle exercée au Moyen-Orient. Il a exprimé sa crainte du retour éventuel dans leurs pays des 4000 «combattants» africains enrôlés par l'organisation terroriste Daech en Syrie et en Irak. Il a plaidé pour une lutte contre les causes qui poussent à la violence et non pas contre ses symptômes. «Il y a toujours à faire pour renforcer le partage des informations et des expériences entre pays africains. Il est temps de réfléchir à comment combler, à court terme, les défaillances en matière de lutte», a-t-il dit, avant d'annoncer que dans le cadre du processus de Nouakchott, il est prévu un sommet des chefs d'Etat africains sur le terrorisme, dans la capitale mauritanienne, le 18 décembre, précédé d'une réunion des ministres des Affaires étrangères. Censé être un cadre de réflexion et de production d'idées pour la lutte contre le terrorisme, le Caert n'arrive toujours pas à influer sur la décision des Etats qu'il représente. Dix ans après sa création, la situation sécuritaire s'est dangereusement détériorée.