Les fragiles initiatives diplomatiques, en arrière-plan de l'offensive israélienne contre le Liban, n'ont pas infléchi la réalité du terrain. Sur le théâtre des opérations, l'armée israélienne poursuit ses bombardements intensifs et le Hezbollah continue de tirer ses roquettes sur le nord d'Israël. L'idée fait pourtant son chemin, qu'un cessez-le-feu est possible, il pourrait s'articuler autour du plan présenté par les Libanais. Un plan dont le point nodal serait le déploiement de l'armée libanaise au sud du pays. Les Libanais, autant que les pays membres de la Ligue arabe, qui ont rejeté le principe d'une force multinationale stationnée au Sud-Liban, entendent peser sur l'enchaînement des événements. Une paix imposée, assortie d'une présence militaire, même sous l'égide des Nations unies, serait ressentie comme une profonde humiliation par le Liban et son gouvernement légitime qui serait l'otage d'une coalition armée internationale. La proposition libanaise est donc à inscrire comme une affirmation de ses prérogatives légales. Pour le Liban, c'est une question de libre et plein exercice de sa souveraineté sur son propre territoire. Une thèse incontournable qui rend caduc le plan franco-américain si ses initiateurs n'intègrent pas l'exigence libanaise dans leur démarche de sortie de crise. Si le plan libanais présente aujourd'hui une opportunité acceptable, y compris par les Israéliens qui l'ont défini comme « intéressant », il restera à savoir le sort qui sera fait au Hezbollah. Il est difficile d'entrevoir un accord dans lequel la milice chiite ne serait pas partie prenante. Le déploiement de l'armée régulière libanaise au Sud ne règle pas pour autant la question de la place du Hezbollah dans la carte militaro-politique libanaise. La milice chiite, indépendamment du déploiement de l'armée libanaise posera tout de même problème puisque l'objectif reste de la désarmer. En toute hypothèse, il est difficilement imaginable que le Hezbollah se plie du jour au lendemain à l'injonction des instances internationales en rendant ses armes. Rien ne dit que les autorités libanaises accepteraient de prendre en charge le désarmement du Hezbollah avec le risque d'une guerre civile. Les choses sont beaucoup plus complexes. La milice chiite s'est imposée, sur le plan militaire, comme une force qui pèse de tout son poids sur la scène libanaise et régionale. Son action est par ailleurs sous-tendue par un argumentaire idéologique qui a porté ses dirigeants à jouer la carte institutionnelle. Classé comme mouvement terroriste, le Hezbollah n'en a pas moins une représentation dans le gouvernement libanais. Il serait ardu, dans de telles conditions, de neutraliser cette force par un simple alignement de résolutions et d'offensives militaires du type de celle engagée depuis un mois par Israël contre le Liban. Le Hezbollah est en fait l'acteur le plus en vue d'une situation explosive, dont la gestion implique des solutions forcément négociées. Cela passe par un cessez-le-feu, le retrait israélien des territoires libanais, la libération des prisonniers libanais, le retour aux frontières d'avant la création de l'Etat hébreu. Autant de points sur lesquels pourrait s'appuyer le gouvernement libanais, s'il parvient à conduire le retour à la paix, pour convaincre le Hezbollah qu'il n'a plus de raisons de se comporter en franc-tireur, son intérêt politique et militaire étant de se fondre dans la nation. Tant il est vrai que deux armées ne peuvent pas coexister dans un seul et même pays. Le problème qui se pose est le suivant : le Hezbollah se rendra-t-il à ces arguments ? Fouad Siniora, le chef du gouvernement libanais avait bien raison de souligner que les voies de la diplomatie sont encore plus dures que celles de la guerre. Peut-être pensait-il aussi à l'équation Hezbollah.