Le gouverneur de la Banque d'Algérie a averti, hier à l'Assemblée populaire nationale (APN), que si les réserves de changes peuvent amortir un choc externe dans l'immédiat, elles pourraient s'effriter en cas de baisse prolongée des cours du pétrole. La situation du marché pétrolier préoccupe et l'optimisme affiché jusqu'à aujourd'hui par les autorités commence quelque peu à flétrir. La présentation, hier, du gouverneur de la Banque d'Algérie des rapports de conjoncture pour l'année 2013 et le premier semestre 2014, devant l'APN, ne pouvait en aucun cas échapper à la question de l'impact de la chute des prix du baril sur l'économie nationale. Ardu fut donc l'exercice de Mohamed Laksaci face à un hémicycle, comme à l'habitude, clairsemé. Entre un optimisme justifié par l'important matelas financier constitué, une décennie durant, qui permettra de faire face à un hypothétique choc externe, et l'inquiétude suscitée par la perspective d'une nouvelle crise pétrolière, M. Laksaci ménage le chou et la chèvre. S'il tente de rassurer, il avertit aussi, qu'une chute prolongée des cours du baril risque d'avoir des conséquences. L'inquiétude du premier responsable de la Banque centrale est, en premier lieu, alimentée par l'évolution des agrégats liés à la balance commerciale et à la balance des paiements. Cette dernière affiche, et c'est une première depuis plus d'une décennie, un déficit de 1,32 milliards de dollars au premier semestre 2014, induisant une contraction des réserves de changes lesquelles sont passées de 194 milliards de dollars fin 2013 à 193,269 milliards de dollars au premier semestre 2014. Bien que M. Laksaci considère que ces réserves, au demeurant importantes (elles représentent plus de 35 mois d'importations nettes), et que dans un contexte d'endettement public externe extrêmement bas, l'Algérie dispose des capacités de résilience à un choc externe à court terme, la situation actuelle commande certaines remises en questions. Le gouverneur évoque bien une gestion prudente et dynamique des réserves de changes. Cependant, il s'inquiète des répercussions d'une chute prolongée des cours du brut, dans la mesure où nos réserves pourraient alors fondre comme neige au soleil. Le fait est que la balance des paiements présente un déficit malgré le léger redressement des cours du brut au cours au premier semestre 2014, et une moyenne de 109,92 dollars le baril. Une bien sombre perspective donc pour les prévisions de clôture de l'exercice 2014, s'annonce, d'autant que malgré la bonne tenue des cours au premier semestre 2014, les revenus issus des exportations hydrocarbures ont reculé de 1,37% par rapport à la même période de 2013. Griefs à l'encontre des politiques économiques Le gouverneur de la Banque d'Algérie met ainsi le doigt sur un certain nombre de problématiques. Ainsi, et au-delà du contexte dépressif du marché pétrolier, M. Laksaci s'inquiète de la tendance haussière des importations de biens, à leur tête les biens d'équipements industriels, ainsi que l'inflation continue des importations de services techniques, particulièrement ceux liés au secteur du BTPH. Une affirmation que l'on pourrait très bien interpréter comme une allusion à peine voilée au recours à l'importation de services d'ingénierie dans le cadre de l'exécution du programme d'équipement public. Le gouverneur de la Banque d'Algérie a aussi pointé du doigt la fragilité des finances publiques face aux turbulences pouvant marquer les marchés pétroliers. Précisant que 2013 a été la cinquième année de déficit pour le Trésor public, celui-ci met en avant une baisse des capacités de financement du Trésor, reflétée par un recul de l'épargne cumulée au niveau de la Banque centrale. Celui-ci a en outre évoqué le recul des ressources du Fonds de régulation des recettes à 4773,51 milliards de dinars au premier semestre 2014, contre 5238,80 milliards de dinars à fin 2013, et ce, sous l'effet de la hausse des dépenses d'équipement de l'Etat dans un contexte de croissance des dépenses courantes. Le premier responsable de l'autorité monétaire fait également des constats au regard de la dépendance chronique de l'économie nationale au secteur des hydrocarbures. Considérant que la question se pose aujourd'hui avec acuité, l'orateur s'inquiète de la stagnation continue du secteur des hydrocarbures depuis 2006, et ce, malgré les efforts consentis en matière d'investissements dans ce même segment. Aussi, si M. Laksaci souligne la bonne croissance des activités hors hydrocarbures (7% en 2013), alimentée notamment par le dynamisme des secteurs du BTPH et des services marchands, il considère que l'économie nationale n'a pas encore atteint son plein potentiel de croissance. Il a, dans ce sens, recommandé de mettre en œuvre des politiques à même de créer une économie assise sur l'industrie, l'agriculture et les services productifs et ce via une absorption efficiente de l'épargne des opérateurs économiques. L'orateur a également recommandé une meilleure efficience des dépenses d'investissements publics en les adaptant au potentiel de croissance des secteurs hors hydrocarbures et de consolider l'effort d'investissement dans le secteur des hydrocarbures. Il est enfin utile de signaler que le gouverneur de la Banque d'Algérie a évoqué, au cours de son exposé, une baisse du taux de change moyen du dinar face à l'euro de 4,32% au premier semestre 2014, contre une hausse de 2,31% face au dollar américain.