Présent lors de la journée de solidarité avec les peuples libanais et palestinien, organisée mercredi dernier à la Bibliothèque nationale du Hamma, Salah Benkobbi, ancien diplomate, a bien voulu nous entretenir brièvement de la situation prévalant au Liban. M. Benkobbi a occupé les fonctions de directeur de la division pays arabes, au ministère des Affaires étrangères avant de représenter l'Algérie dans plusieurs capitales arabes. Ayant enseigné à l'ENA, il offre aujourd'hui ses services en tant que consultant à l'Institut d'études stratégiques globales (INESG). La conférence des ministres des Affaires étrangères, tenue récemment à Beyrouth, a exprimé sa volonté à défendre la cause libanaise tout en exigeant le retrait du plan américano-français qui avantage Israël. Peut-on dans ce cas parler d'un sursaut arabe ? Ce sursaut, s'il en est un, aurait dû être exprimé au début de l'agression israélienne contre le Liban. Pour ne pas dire qu'il intervient un peu en retard, cette réaction reflète, en définitive, la réalité du terrain libanais. En fait, c'est le gain opéré par la résistance, à laquelle d'ailleurs toutes les franges de la société libanaise ont exprimé un soutien indéfectible, qui a amené les Etats arabes à faire montre de ce que vous appelez sursaut. Ceci dit, nous sommes en train de constater une évolution notable, chez les gouvernements arabes, dans la manière de voir les choses. Tout ce qu'on peut espérer, c'est que cette évolution ne s'arrête pas là. La France, qui avait d'abord appelé à un cessez-le-feu immédiat et sa détermination à soutenir le plan de Fouad Siniora, s'était vite ressaisie en s'alignant sur les Américains. Comment expliquez-vous ce volte-face ? L'histoire nous enseigne que la France, quand il s'agit du Liban, a tendance à se référer aux fameux accords secrets dits Sykes-Picot (en référence aux deux diplomates britannique et français qui en sont signataires) signés en 1916. Ces accords portaient sur le partage du Proche-Orient, conclus entre la Grande-Bretagne et la France. Cette dernière établit son mandat sur le Grand-Liban et y institutionnalise le confessionnalisme en avantageant les maronites. Ces deux puissances coloniales ont jeté ainsi les jalons d'un pays, morcelé, divisé, alors que chez eux, il n'est pas question que l'Etat fonctionne sur une base ethnique ou religieuse. C'est donc partant de ce principe, autrement dit intervenir au Liban pour venir en aide aux chrétiens, que la France se fait l'obligation d'initier sa diplomatie dans la région. La maturité politique des Libanais, toutes confessions confondues, a, heureusement, mis en échec cette vision obsolète. Pouvez-vous nous dire comment le Hezbollah a pu tenir tout ce temps face à une des plus grandes armées du monde ? Si Israël avait fait la guerre à une quelconque armée (arabe), elle aurait sans aucun doute gagné la partie dans un délai très court. En témoigne la guerre de 1967 qui n'a duré que 6 jours, et celle de 1973 qui n'a pas dépassé deux semaines. Et encore faut-il rappeler que lors de ces guerres, pratiquement tous les pays arabes y avaient contribué. Face au Hezbollah, Israël avait certes misé sur une semaine au maximum pour mater la résistance, mais il savait à quel type de résistance il avait affaire. Un Hezbollah rompu aux techniques de guérilla, qui maîtrise parfaitement le terrain. Il faut dire aussi que les combattants du Hezbollah ne sont pas enrôlés de force. Ils font la guerre à Israël en ayant la conviction qu'il s'agit d'une résistance juste et légitime. Ils me rappellent les moudjahidine algériens qui se sont élevés contre la France, une puissance nucléaire, soutenue de surcroît, par l'OTAN.