Les chefs de la diplomatie arabe se sont donné rendez-vous demain dans la capitale libanaise. Quel(s) rôle(s) ont encore les Arabes dans les conflits qui opposent Israël au Liban, depuis 26 jours, aux Palestiniens depuis 37 jours? La question se pose lorsque l'on constate que les pays arabes qui entretiennent des relations diplomatiques avec l'Etat hébreu n'ont même pas eu le geste, oh combien symbolique, de rappeler, pour consultation, leurs ambassadeurs à Tel-Aviv? C'est un pays en dehors de la zone de guerre, le Venezuela, horrifié par les crimes que commet quotidiennement Israël au Liban et dans la bande de Ghaza qui prend l'initiative de rappeler son ambassadeur, donnant une leçon de morale et de courage aux dirigeants arabes. Le président Chavez a, en effet, exprimé, jeudi, son «indignation après le bombardement du peuple du Liban et du peuple de Palestine». «J'ai ordonné, a-t-il déclaré, de rappeler notre ambassadeur en Israël.» M.Chavez estimait, en effet, que les troupes israéliennes bombardaient des «innocents». Cette mesure de prévention n'est pas venue des Etats arabes qui entretiennent des relations diplomatiques avec Israël. Pouvait-il en être autrement en fait, lorsque les (dirigeants) Arabes se sont complus dans un silence honteux depuis le début des événements, ne réussissant même pas à se mettre d'accord pour organiser un sommet devant débattre de cette question grave et vitale pour le monde arabe. De fait, soit sous la pression, soit écoeuré par la dérobade des (dirigeants) Arabes, le Yémen, qui avait demandé au début du conflit la réunion d'un sommet arabe extraordinaire y avait renoncé en retirant sa demande comme l'indiquait le 23 juillet dernier le chef de la diplomatie yéménite, Abou Bakr Al-Kourbi, qui a déclaré que «la République du Yémen a le regret d'être dans l'obligation de suspendre ses démarches pour la convocation d'un sommet arabe extraordinaire». Tirant à hue et dia, les (dirigeants) Arabes, trop imbus de leur importance, ne se sont entendus sur aucune décision à prendre, ne serait-ce que pour sauver la face ou dire qu'ils sont encore là et capables d'influer sur les évènements? Las, les choses ne semblent pas aussi évidentes dans un monde arabe où le décorum continue à prendre le pas sur les faits, alors que la région moyen-orientale court le risque de se voir à nouveau charcutée par le nouvel impérialisme américain, lorsque même Israël parle aujourd'hui de «reconfigurer» le Proche-Orient à ses mesures. Alors que l'heure est à l'action, le secrétaire général adjoint de la Ligue arabe, Ahmed Ben Helli, annonçait vendredi que les ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe tiendront «une réunion extraordinaire lundi (demain) à Beyrouth» pour examiner «les développements dangereux de l'agression israélienne» contre le Liban. Les chefs de la diplomatie arabe vont ainsi se réunir à Beyrouth: pour annoncer qu'ils se mettent à la disposition du Liban en signe de solidarité arabe? Pour prendre des décisions décisives à même de rétablir l'équilibre et redonner aux (dirigeants) Arabes le crédit qui leur fait défaut aux yeux de leurs peuples, la crédibilité qu'il n'ont plus auprès de la communauté internationale? Non, rien de tout cela, les ministres arabes des Affaires étrangères viendront demain à Beyrouth pour «examiner les moyens de soutenir le Liban face à l'agression» israélienne et accessoirement de «soutenir le plan Siniora» que le Premier ministre libanais a présenté la semaine dernière à Rome lors de la conférence sur le Liban tenue à l'initiative de l'Italie. C'est du moins ce qu'indique un diplomate qui s'exprimait sous le couvert de l'anonymat et selon lequel, «il s'agira d'exprimer le soutien des pays membres de la Ligue arabe au plan en sept points de M.Siniora». Mais, avant d'arriver à l'approbation du principe de cette réunion somme toute banale -n'eut été le tragique de la situation dans laquelle vivent les Libanais depuis 26 jours- les pays arabes sont passés par des «consultations» et des tractations surréalistes. Ce que, le plus sérieusement du monde, annonçait mercredi dernier le ministre saoudien des Affaires étrangères Saoud Al-Fayçal, qui a déclaré que «des consultations sont en cours entre les pays arabes pour tenir une réunion de la Ligue arabe au niveau ministériel, au Liban, le plus tôt possible» au moment où le pays du Cèdre est partiellement détruit, que son peuple fuit sous les bombes de l'ennemi, rééditant des scènes qui ont marqué ces dernières années le contentieux israélo-arabe, comme lors des guerres de 1948 (Deir Yacine, Kfar Kacem) Beyrouth en 1982, le Sud-Liban en 1996, encore et toujours le Sud-Liban en 2006. La Mauritanie, l'Egypte et la Jordanie, qui entretiennent des relations avec Israël, n'ont toujours pas jugé opportun de rappeler leurs ambassadeurs en signe de protestation et aussi en signe de dignité au moment où des centaines de Libanais et de Palestiniens tombent sous le feu de l'armée israélienne. Or, recevant jeudi le secrétaire général de la Ligue arabe, l'Egyptien Amr Moussa, le roi de Jordanie, Abdallah II, a appelé les pays arabes à «adopter une position unie dans la crise au Liban», quand l'inaction qu'observent les Etats arabes, les divergences entre leurs dirigeants sont les premiers facteurs de la désunion des pays arabes. De fait, la Jordanie et l'Egypte, seuls pays arabes avec la Mauritanie, à entretenir des relations avec Israël, et l'Arabie Saoudite avaient certes condamné les opérations israéliennes au Liban, mais dénoncé aussi «l'aventurisme (de Hezbollah) ne servant pas les intérêts arabes», justifiant a posteriori les crimes et génocides qu'Israël commet, notamment au Liban. Dès lors la question se pose et demeure posée, quel rôle pour les (dirigeants) Arabes dans les affaires du monde arabe, à défaut de celui de museler et de tenir en laisse leurs peuples?