Tout en condamnant l'appel au meurtre émis par le salafiste Hamadache, le ministre ne s'est pas empêché de se fendre d'insinuation curieuse sur les affinités idéologiques de Kamel Daoud. Le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs, Mohamed Aïssa, a réagi, hier au forum d'El Moudjahid, à l'insidieux appel à la condamnation à mort, qui est en fait un appel masqué au meurtre lancé par un potentiel nervi salafiste, Hamadache Zeraoui, contre l'écrivain et journaliste Kamel Daoud. Mohamed Aïssa, qui a qualifié à juste titre de «dérapage très dangereux» les menaces de mort lancées contre notre confrère, a fini par jouer à l'équilibriste devant une situation qui requiert pourtant de la fermeté de la part d'un représentant de l'Etat, censé être garant de la liberté et de la sécurité des citoyens. Il est vrai que le ministre a ramené à sa juste valeur ce personnage sans allure ni consistance – que le journaliste lui-même soupçonne de travailler pour quelques officines – en soutenant que son nom n'est répertorié «ni dans les universités des sciences islamiques, ni au sein des établissements de formation des imams, ni parmi les imams que compte le ministère», mais l'on retrouve tout de même chez lui beaucoup de paternalisme en s'érigeant en donneur de leçon. Mohamed Aïssa souffle donc le chaud en qualifiant l'appel au meurtre de «dérapage très dangereux dans un contexte général dans lequel l'Algérie est en train de défendre un islam dans sa valeur absolue, un islam dont on veut ternir l'image et qualifier de terrorisme» et le froid en faisant preuve de pusillanimité en conseillant à Kamel Daoud qui, selon lui, doit être «intelligent et ne pas tomber sous le charme d'un sionisme rampant». Le conseil du ministre sonne comme un reproche contre l'auteur du roman Meursault, contre-enquête. Il a «besoin d'être interpellé à respecter les règles fondamentales de l'écriture au nom de l'Algérie et de respecter le sacré», estime-t-il en suggérant, en arrière-plan, que cet écrivain-journaliste qui a «besoin d'enassiha (conseils) et non d'un appel au meurtre» était dans l'erreur. Mohamed Aïssa reconnaît à Kamel Daoud «le droit de se défendre» ; mais craint que «nous ne perdions un enfant de l'Algérie qui est en train d'être récupéré par un lobby sioniste international hostile à l'islam et à l'algérianité». C'est bien que le ministre des Affaires religieuses condamne l'infâme appel au meurtre contre Kamel Daoud et montre toute son inquiétude, sa «préoccupation» ainsi que celle des autorités quant à cette «radicalisation du discours religieux», mais se prend quand même au piège ou se trahit en reproduisant en quelque sorte le même substrat idéologique qui a conduit le salafiste Hamadache à commettre l'innommable. Voilà qui est dit ! Pour Mohamed Aïssa, Kamel Daoud n'a pas respecté «les règles fondamentales de l'écriture au nom de l'Algérie et du sacré». Plus loin, le ministre pense que le chroniqueur du Quotidien d'Oran est en train d'être «récupéré» «C'est Bernard-Henri Lévy qui intervient pour récupérer un Algérien qu'on pourrait contenir dans la famille algérienne, assister et accompagner», justifie Mohamed Aïssa, qui se pose plus en redresseur de torts, comme si le finaliste du prix Goncourt était un mineur ayant besoin «d'assistance et d'accompagnement». Ce qui embête le ministre des Affaires religieuses, c'est que la menace contre le célèbre chroniqueur «dérange et parasite un peu la politique nationale qui est arrivée par la réconciliation».