Qui contrôle les crèches ? Que ce soit à Tiaret, Mascara, Mostaganem, Relizane ou partout en Algérie, les structures d'accueil de la petite enfance sont livrées à l'anarchie et à l'incompétence du personnel. En un mot, l'Etat est démissionnaire au grand dam des parents qui ne savent plus à qui confier leurs petits enfants. À Tiaret, les crèches qui exercent légalement subissent une concurrence déloyale. Le contrôle reste faible pour ne pas dire qu'il obéit à une sorte de deux poids deux mesures. Officiellement, il est recensé chez la direction de l'Action Sociale «18 crèches sur tout le territoire de la wilaya», dira le DAS de Tiaret, M. Gacem. Mais en réalité, ce chiffre est loin de refléter la réalité à voir pousser comme des champignons, ces crèches ou «garderies d'enfants» comme se plaisent à les qualifier certains du fait, d'une part, de l'absence ou du peu de contrôle, et d'autre part, d'une concurrence déloyale exercée par certaines personnes, des femmes surtout, qui ont ouvert leurs maisons pour «s'occuper d'enfants issus de familles aux revenus moyens, voire bas». Mises à part la CNAS et l'APC du chef-lieu de wilaya qui gèrent leurs crèches, les autres restent du ressort du privé, notamment d'anciennes enseignantes à la retraite ou reconverties. «Bien que l'offre dépasse la demande, il y a dans l'exercice de cette activité une certaine concurrence déloyale», tient à souligner d'emblée la patronne de la crèche «Ethouraya», Mme Bennadia qui a ouvert en octobre dernier. Son opération marketing sur fond d'enseignes et placards publicitaires a plutôt servie une concurrente qui exerce dans une espace mal approprié et en ayant recours à la casse des prix. Une situation délicate embarrasse cette femme battante qui a écourté sa carrière de professeur d'anglais pour intégrer ce milieu qu'elle croyait parfait. En plus du loyer annuel exorbitant qu'elle s'acquitte pour son installation dans une villa plutôt cossue, elle dit : «arriver difficilement à joindre les deux bouts» car «sa crèche n'arrive pas encore à faire le plein du fait de ces hommes et femmes qui préfèrent payer moins ce qu'elle réclame elle pour ses client(es)». En dépit des vacances scolaires, la crèche est à moitié vide mais les bambins s'appliquent. Ramzy à 3 ans arrive déjà à monter son puzzle, nous récite une sourate du Saint Coran et nous compte dans les deux langues de un à dix. Dépitée par la tournure que prend son «affaire», Mme Bennadia nous fait découvrir les lieux : Cour bien aménagée et pleine de jouets, chambres douillettes et confortables, classes, cuisine, salles d'eaux et une armoire pleine de cadeaux. Aller à la découverte des crèches n'est pas une sinécure. L'une d'elle qui s'appelle «L'Eden» est difficile à identifier au milieu de villas luxueuses au niveau d'un lotissement à proximité de la gare routière. Surpris de ne voir aucune plaque, ni enseigne, la patronne de «L'Eden» une retraitée, elle aussi, de l'enseignement dit «qu'elle ne peut offrir plus de 25 places comme l'exige la réglementation» et de renchérir : «Si on a enlevé les plaques, c'est pour que les gens cessent de nous solliciter». Elle nous fait visiter son antre et dit «continuer à faire tourner la maison plus par passion que par appât du gain». Mme Bouaffia explique qu'«avec 25 enfants, je ne peux pas rentabiliser au maximum cette crèche même si les prix sont fixés à 6000 dinars par mois et par enfant». Dans cette crèche, une partie des enfants (les 3-5 ans) en train de suivre un cours didactique sur fond musical, d'autres plus jeunes dorment comme des anges sous la protection vigilante de deux éducatrices. La visite guidée des lieux renseigne sur le sérieux de cet établissement ouvert depuis 2006. Notre interlocutrice explique : «Nous gardons les enfants de 7h15 jusqu'à 17h avec au menu deux gouters et un déjeuner». Et de conclure: «Avec 25 enfants, je ne m'en sors pas», non sans pointer d'un doigt accusateur ceux qui font dans la concurrence déloyale, voire en outrepassant le décret 02-87 du 17 septembre 2008 ainsi qu'au cahier des charges relatif aux normes pédagogiques, d'espace, volume d'air, hygiène et sanitaires. Une crèche à la réputation surfaite recèle près d'une centaine d'enfants avec comme arguments pour convaincre certains parents des offres alléchantes jamais tenues. Mme Bouaffia qui conclut sur une note quelque peu triste, s'interroge sur le rôle des organismes de contrôle dont les services de sécurité, ceux de la santé, les services du commerce et la DAS. Cette dernière, par la voix de son directeur, «reconnait qu'en la matière, il lui faut du temps pour bien comprendre ce qui se passe» bien qu'«un service est désigné pour cette tâche».