-Comment est venue l'idée du lancement de la page «l'Algérien pour les nuls» ? Au début des années 2000, j'ai fini une licence en anglais. Ce cursus m'a donné envie de creuser encore plus le monde linguistique, notamment le parler algérien. J'avais commencé par créer un site web pour récolter, discuter les subtilités de cette langue. J'aimais décortiquer les mots, les expressions, les proverbes. Et à chaque fois, l'étymologie était surprenante : latine, berbère, turque, arabe, hébraïque, espagnole, française... -Pensez-vous qu'il est important de réhabiliter la derja et pourquoi ? Je pense effectivement qu'il est important de réhabiliter la derja, comme vous le dites, ou simplement de la promouvoir, car elle ne l'a jamais été de façon officielle. Beaucoup d'écrivains ont fait de la derja le moteur de leur œuvre ; je pense à Kateb Yacine. Mais jamais elle n'a été prise au sérieux par les systèmes éducatifs qui se sont succédé. Sans doute parce que la tâche, à juste titre, paraît titanesque et les priorités ailleurs. On a préféré arabiser, mais ça n'a rien donné non plus en termes de progrès culturels et scientifiques. Comme les peuples du monde entier où l'arabe est langue officielle et première, on est obligé de passer par des langues abouties, souvent l'anglais ou le français, pour rester à jour avec le monde. -Notre langue maternelle reste cantonnée dans l'oralité, le fait de la transcrire pourrait en faire une langue à part entière. Qu'en pensez-vous ? Quand on pense que la langue anglaise a commencé par un statut de «derja», puisque au début du Moyen-Âge les Anglais ne parlaient et n'écrivaient qu'en français ou en latin, l'anglais étant une langue inaboutie et seulement utilisée oralement par le petit peuple, et qu'à peine la Renaissance dépassée on avait un Shakespeare, on se dit qu'il faut commencer aujourd'hui avec notre derja, même s'il faut la faire cohabiter avec d'autres langues chemin faisant. Un jour ou l'autre, elle sera mûre. Il faut commencer aujourd'hui. -La langue n'obéit pas à des règles définies. Comment concevez-vous vos cours d'algérien ? Comme je parle plusieurs langues, français, anglais, allemand, arabe et espagnol, je fais de la comparaison, comme la fameuse méthode Assimil. Car à chaque fois la derja ressemble à l'une ou l'autre. Pour ne pas paraître trop docte et éviter l'ennui, souvent je passe par le sarcastique ou le burlesque. On rit et on apprend. Beaucoup de non-Algériens m'écrivent pour me dire qu'ils adorent ces petits cours d'algérien qui leur semblent une bonne introduction à notre langue.