Il est parti dans la discrétion la plus absolue, comme il a toujours vécu. Hadj Mohamed Smaïli a quitté sa famille, ses amis, ses collègues et tous ceux qui l'ont connu, côtoyé et aimé – et ils sont nombreux, dans le milieu familial évidement, mais surtout dans le milieu professionnel, dans le secteur de la santé et aussi dans les milieux sportifs. Il a débuté très jeune sa carrière. Il avait 19 ans, en 1945, quand il fut recruté en tant qu'infirmier à l'hôpital El Kettar, où il travailla jusqu'en 1958. Militant, membre de l'OCFLN, il fut incarcéré à la prison de Tizi Ouzou pendant une année. A l'indépendance, suite au départ massif des cadres hospitaliers européens, il fut nommé directeur de la clinique Verdun (actuel EHS Aït Idir). Il rejoint en 1966 l'hôpital Mustapha ou il exerça la fonction d'administrateur pendant cinq ans. Il fut muté en 1971 au ministère de la Santé, gravissant les échelons de chef de bureau jusqu'au grade de directeur adjoint à la direction du personnel médical et paramédical, où il a travaillé pendant 20 ans. Il prit sa retraite en 1991, à l'âge de 65 ans. Ne pouvant rester inactif comme la plupart des gens de sa génération, il s'occupait en exerçant dans une officine pendant plusieurs années, jusqu'à ce que son état de santé ne lui permette plus de continuer à travailler. Sa vie, il l'a vécue pleinement. Il était heureux dans sa famille, entouré par l'affection de sa femme et de ses enfants, bien éduqués, dont il était fier de leur réussite dans la vie, comblé par le rêve qu'il a vu se réaliser, en particulier le flambeau repris par un de ses fils devenu médecin, de surcroît chirurgien, lui qui des la prime jeunesse, a débuté sa carrière comme infirmier à El Kettar, ne côtoyant que des médecins européens pendant la colonisation. Le rêve de Hadj Smaïli est devenu réalité. Il a partagé sa vie entre son village natal de Kettous à Sidi Naâmane dans la daïra de Draa Ben Kheda wilaya de Tizi Ouzou d'où sont originaires les Smaïli, leurs cousins les Khodja et les Allali et La Casbah ou il a passé une partie de sa jeunesse. Résident à La Casbah depuis sa prime enfance, il ne pouvait être que sportif, la jeunesse étant intimement liée au sport et le sport-roi étant le football et le club fétiche le Mouloudia club d'Alger, le doyen des clubs autochtones, les clubs des musulmans , véritables associations politiques, écoles de militantisme, préparant la jeunesse au rude combat de la révolution armée. Hadj Smaïli, Miha pour les intimes était un fervent supporter du Mouloudia. Lui le jovial, toujours de bonne humeur, était triste le lendemain d'une défaite. C'étaient les seuls moments où, tout en gardant son calme, son hospitalité et son sens du devoir, il perdait sa verve et sa jovialité. «Omar, ne passe pas me voir, me disait-il, si le Mouloudia perd et surtout contre la JSK», sachant que je suis moi-même un supporter invétéré du club de mon enfance où j'ai fait un passage furtif mais non concluant dans la catégorie minimes. Je ne peux qu'insister et souligner l'esprit de fair-play qui animait Hadj Smaïli et les ambiances de fête dans les derbys fraternels entre les deux grands clubs JSK/MCA. Je ne peux relater cette anecdote où les frères Smaïli à l'occasion d'un match du Mouloudia à Tizi Ouzou venaient rendre visite à leur tante paternelle, ma grand-mère, déjeunaient en notre compagnie nous les frères Zemirli, nous descendions ensemble au stade, eux acquis à leur club et nous bien sûr au nôtre. Déception de la défaite pour les uns, joie de la victoire pour les autres, peu importait le résultat et qui avait gagné, l'esprit sportif régnait. On félicitait les vainqueurs et on consolait les perdants. Reviendront-elles ces ambiances de fête des années soixante, soixante-dix ? Ne dit-on pas un corps sain dans un esprit sain ? Instruisons et éduquons les esprits et les corps. Inculquons des la prime enfance à l'école, à la maison, dans les associations et bien sûr dans les clubs sportifs et l'esprit sportif reviendra. Hadj, tu es celui qui a éduqué, instruit et soigné. Tu as consacré ta vie à la jeunesse de ton pays par l'éducation, l'instruction que tu as donnée, les conseils que tu ne cessais de prodiguer aux jeunes collègues et collaborateurs dont ton jeune et très proche collègue, M. Hamidi, devenu ami fidèle de toujours, une véritable leçon de reconnaissance et de gratitude. Hadj Smaïli faisait partie de ce corps professionnel qui constituait la cheville ouvrière du domaine de la santé qui, pour les distinguer du corps médical, sont qualifiés de corps paramédical, plus simplement infirmier et avec ses différentes catégories (technicien de la santé, technicien supérieur de la santé et adjoint technique de la santé). Ces derniers ont joué un rôle des plus déterminants dans la prise en charge de la santé de la population indigène pendant la colonisation et pendant la première décennie de l'Algérie indépendante, devant le désert médical suite au départ des quelques médecins européens exerçant dans les campagnes de l'intérieur du pays. Les adjoints techniques de la santé faisaient fonction de médecin au sens propre du terme. Ils prodiguaient des soins, prescrivaient des médicaments et délivraient des ordonnances dans les centres de santé où ils exerçaient, dans les villages et parfois dans certaines villes dépourvues de médecin. Hadj Smaïli avait exercé à l'hôpital El Kettar où il avait acquis une solide expérience dans la prise en charge des maladies contagieuses, véritable fléau faisant des ravages au sein de la population autochtone vivant dans la misère, dans des conditions d'hygiène déplorables. J'ai connu Hadj Smaïli alors que j'étais jeune étudiant, recommandé auprès de lui par mon père, son cousin. El Hadj était le fils d'un de ses oncles maternels. Caractérisé par sa gentillesse, sa disponibilité, son hospitalité, son dévouement, il était toujours à l'écoute des jeunes médecins en attente d'affectation en prodiguant des conseils quant à leur future orientation sur leur lieu de travail. Il faut savoir que Hadj Smaïli a vu défiler des générations de jeunes médecins pendant deux décennies. C'est sous sa direction que se faisaient les affectations vers les hôpitaux et autres structures de santé au niveau de tout le territoire national. Jusqu'à sa retraite, ce sont des dizaines de milliers de praticiens, toutes spécialités et tous grades confondus, qui ont sollicité les services de Hadj Smaïli. Et c'est toujours avec bonne humeur et un sens du devoir constant qu'il recevait et remettait les décisions et arrêtés d'affectation. Hadj était cité en exemple d'humilité, de probité et de générosité par ses collaborateurs et les différentes équipes ministérielles qui se sont succédé. Une pieuse pensée pour toi de tous ceux qui t'ont apprécié et aimé dans les milieux ou tu as vécu et évolué, familial, professionnel, politique et sportif. Que Dieu Tout-Puissant t'accueille en Son Vaste Paradis.