Programmée, selon le ministre de la Justice et garde des Sceaux, Tayeb Louh, pour l'actuelle session criminelle, l'affaire Khalifa est toujours renvoyée aux calendes grecques l Extradé le 24 décembre 2013 de Grande-Bretagne, Abdelmoumen Khalifa a été destinataire, le 20 décembre dernier, du rejet de son pourvoi en cassation contre l'arrêt de renvoi devant le tribunal criminel de Blida. Alors que les dates des procès des affaires Sonatrach 1 et de l'autoroute Est-Ouest sont connues (15 et 25 mars 2015), le dossier lié à l'affaire Khalifa n'arrive toujours pas à sortir du bureau du tribunal criminel près la cour de Blida, qui l'a renvoyé, le 2 avril 2014, à une date ultérieure, sans la préciser. Tout comme aucune explication n'a été donnée au transfert de Abdelmoumen Khalifa de Blida vers la prison d'El Harrach. Hier, son avocat, maître Nasreddine Lezzar, est sorti de son silence. Contacté, il commence par préciser qu'il n'«a pas pour vocation de rendre publics les actes de procédure qu'il engage» en niant catégoriquement tout «deal entre son client et les autorités judiciaires ou entre moi et qui que ce soit». Sur les affaires liées à ce dossier, l'avocat répond : «A part le pourvoi en cassation contre l'arrêt de la chambre d'accusation qui a renvoyé l'affaire devant le tribunal criminel près la cour de Blida, il n'y a eu aucun autre acte de procédure.» Et de préciser que Abdelmoumen Khalifa n'a pas été contacté, interrogé, ou tout simplement informé d'une quelconque procédure liée aux dossiers de transferts de fonds (swift), d'importation de stations de dessalement d'eau de mer, de Khalifa Construction, de Khalifa Airways, etc, en instruction depuis près de 10 ans au tribunal de Chéraga, qui dépend actuellement de la cour de Tipasa. Pas de deal avec les autorités Il semble pessimiste quant à une programmation éventuelle de l'affaire Khalifa Bank, pour laquelle Moumen a été condamné par contumace, en disant : «Pour l'heure, les intentions et le processus judiciaire envisagé par les autorités compétentes manquent de visibilité, tant les actes contredisent les déclarations et aussi en raison de l'absence de communication officielle claire et sans ambages sur un dossier qui, pourtant, a fait irruption dans le domaine public.» Selon Me Lezzar, «le nouveau procès Khalifa n'est plus une affaire judiciaire (…), elle est tributaire d'une initiative du parquet et se trouve donc convertie ou pervertie en une décision de nature politique». Mieux, l'avocat relève que «le statu quo est nuisible au système et au pays» et menace : «S'il perdure, Moumen Khalifa sera plus dangereux derrière les barreaux qu'à la barre.» En tout état de cause, cette affaire risque de ne pas être jugée de sitôt et les personnes en détention devront croupir encore longtemps en prison. Maître Miloud Brahimi s'est offusqué de ce qu'il a appelé une «dérive judiciaire». L'avocat explique qu'en 2004, lorsque l'affaire a été instruite, de nombreux mis en cause étaient en liberté et, en 2007, lors de leur comparution devant le tribunal criminel près la cour de Blida, ils ont fait l'objet d'une ordonnance de prise de corps. «Beaucoup ont été condamnés à des peines de prison et y sont restés. En 2011, la Cour suprême a annulé le verdict et ordonné un autre procès. De ce fait, la détention n'avait plus de base légale. Il y a plus de 20 ans, c'était la Cour suprême qui statuait sur la détention et ordonnait l'annulation de la prise de corps dans son arrêt relatif à la cassation d'un verdict. Une mission qui est dévolue à la Cour, mais les magistrats refusent systématiquement la liberté. C'est le cas pour l'affaire Khalifa. Les mis en cause devaient être libérés après l'arrêt de la Cour suprême qui a cassé le verdict et donc leur condamnation. Or, cela n'a pas été le cas. Mieux, des personnes ayant purgé leur peine et se trouvant en liberté avaient fait l'objet d'une prise de corps à la veille du procès d'avril 2013, lequel procès a été renvoyé à une date non précisée. A ce jour, elles croupissent en prison parce que leurs demandes de mise en liberté ont été toutes rejetées. Nous sommes devant une situation plus grave qu'un détournement ou un vol. La liberté n'a pas de prix. Ces gens, et ils sont nombreux, n'ont pas à rester en prison. Ils doivent être remis en liberté dans la mesure où leur condamnation a été annulée par la Cour suprême», relève maître Brahimi, qui s'indigne contre cette situation et exhorte les autorités judiciaires à «y mettre fin».