Jamais depuis son installation le système LMD n'a été aussi remis en cause. Dix années après son application en tant que projet pilote dans les trois «B» (universités de Boumerdès, Blida et Béjaïa, dès 2004), et cinq ans après sa généralisation, la greffe ne semble pas avoir pris. Importé du processus de Bologne, ce nouveau système a été appliqué, à la faveur de la réforme de l'enseignement supérieur, sans préparation préalable du terrain, et surtout sans consulter les premiers concernés : experts en pédagogie, chercheurs, enseignants et étudiants. Tout au long des articles consacrés à la compréhension de ce système et ses couacs, El Watan Etudiant a fait le constat que ce n'est pas le LMD en lui-même la cause du problème qui bloque l'enseignement supérieur. De l'avis des experts rencontrés, l'application de ce système en Algérie a été imposée dans sa forme, c'est-à-dire la réorganisation des structures (départements, facultés), des cursus pédagogiques (licence en trois ans, Master, doctorat, systèmes de semestres). Mais l'âme du LMD basée sur l'actualisation continue du modèle pédagogique, de la bonne gouvernance, son ouverture sur l'environnement social et économique ainsi que sur le monde, cet esprit qui a fait le succès du modèle sous d'autres cieux, a été occulté. Calqué sur le modèle français, le système «décrié» qui côtoie encore les résidus dudit classique a, au moins, contribué à mettre à nu les véritables entraves qui empêchent la libération de l'Université. Car cette dernière souffre avant tout de la mainmise du politique sur le secteur, et par ricochet elle subit les éternelles luttes idéologiques qui secouent tous les autres secteurs. On peut citer parmi les grandes entraves la gestion bureaucratique des établissements de l'enseignement supérieur, ainsi que la politique de démocratisation de l'accès aux études supérieures. Ces deux approches ont, à elles seules, concentré les efforts des responsables du secteur à se focaliser plus sur la gestion des flux, c'est-à-dire le quantitatif, qui a prévalu sur la qualité de formation. La désignation à la tête des établissements universitaires des recteurs, doyens et autres, sans l'avis de la population universitaire, a produit les mêmes tares que celles constatées dans l'administration (copinage, corruption, entraves et népotisme) pour l'accès aux cursus ou à divers privilèges. La crise qui secoue l'Université est certes exacerbée par l'application «autoritaire» et sans préparation du LMD, mais le véritable malaise renvoie à une crise de gouvernance, de démocratie et de bonne volonté pour faire de cet antre du savoir le moteur et le guide de la société.