Le chaos avec son lot de morts et de dévastation semble s'installer définitivement en Libye. Apocalyptique, cette situation préoccupe lourdement la communauté internationale, et particulièrement l'Algérie qui partage avec ce pays une frontière longue d'un millier de kilomètres. Dans un communiqué rendu public lundi soir, par le site web de l'ONU, la Mission d'appui des Nations unies en Libye (Minul) a fortement condamné les frappes aériennes conduites par l'armée de l'air libyenne contre des miliciens basés dans la ville de Misrata, à l'ouest de la Libye. Elle a mis en garde contre «une guerre totale» dans cette région de l'Afrique et a averti en disant que «ces frappes et d'autres attaques ne feront qu'aggraver la situation sécuritaire du pays sans contribuer à mettre fin aux combats». A ce titre, elle a appelé «les parties à œuvrer en faveur d'une désescalade du conflit», en les invitant «à prendre des mesures courageuses afin d'enrayer ce cycle de violence qui, s'il se poursuivait, conduirait le pays au chaos et à une guerre généralisée». La Minul, qui tente depuis le 5 décembre dernier de réunir autour de la table de négociation les frères ennemis, a également rappelé «à ceux préconisant une escalade militaire dans le pays, qu'ils font activement obstacle à une solution politique consensuelle» à la crise et estime que «leurs actions constituent une violation des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU relatives à la Libye». Cette réaction illustre parfaitement les inquiétudes face à cette montée de violence, avec les bombardements des forces gouvernementales contre les positions des milices de Misrata, à l'ouest de la Libye, après les attaques menées le 25 décembre dernier, contre le plus grand terminal pétrolier libyen, Al Sidra, au cours desquelles de nombreux réservoirs de stockage ont été incendiés et au moins une vingtaine de soldats libyens tués. Le communiqué évoque aussi les récents combats dans les montagnes voisines de Nafoussa, qui ont fait au moins 170 morts et poussé à l'exode plus de 120 000 personnes. A l'est de la capitale, dans la région de Benghazi, le bilan des violences fait état de 450 morts depuis le mois d'octobre dernier, et le déplacement de 90 000 personnes. Gangs, armes et drogue Au-delà de cette hécatombe humanitaire, la situation en Libye fait peur aux pays voisins, en raison de ses répercussions sécuritaires. Sur toute la bande frontalière est, de multiples groupes armés se livrent bataille pour contrôler les pistes utilisées par les narcotrafiquants, les contrebandiers, les trafiquants d'armes et les terroristes d'Al Qaîda. Ils traversent ce no man's land, connu sous le nom de la «passe du Salvador», pour aller vers le Mali, le Niger, le Tchad et même plus loin, vers le Nigeria, le Soudan et ailleurs vers l'Afrique centrale et l'Afrique de l'Est et de l'Ouest. N'ayant pas d'intérêt politico-économique en Libye, l'Algérie reste le seul pays, dans la région, qui peut aider à trouver une solution qui fera taire les armes. «De nombreux contacts ont été entrepris et des cadres de l'ensemble des parties en conflit ont accepté l'invitation au dialogue», expliquent des sources bien informées qui précisent : «L'Algérie a de bonnes relations avec toutes les factions, à l'exception de celles qui sont identifiées par l'ONU comme étant des groupes terroristes. Les discussions ont eu lieu dans la sérénité et dans la discrétion la plus totale. L'Algérie est en train de faciliter le dialogue entre les frères libyens pour les amener à un consensus national et une solution définitive à la crise.» Et d'indiquer que toutes les parties sont reçues sur un pied d'égalité : «Hier tous ces groupes étaient considérés comme des révolutionnaires et aujourd'hui, parce qu'ils sont dans une tribu ou une région donnée, ils deviennent des milices islamistes, ou carrément terroristes. Nous oublions souvent que la Libye repose sur un système tribal et non pas idéologique, comme le laissent entendre certains pays occidentaux. Raison pour laquelle, il est plus judicieux de réunir les uns et les autres autour d'un consensus national que de les fragmenter encore plus avec des interventions militaires étrangères. C'est aux Libyens de mettre un terme à la violence et de construire leur pays. Il y va de leur avenir et qu'importe où ce consensus a lieu. L'essentiel est d'arriver à réunir tout le monde autour de la paix en toute urgence». Pour l'Algérie, «il ne s'agit pas de soutenir une partie contre une autre au risque d'exacerber les divergences fratricides, mais d'aider les Libyens à dialoguer». Son seul souci, souligne-t-on, est de faire en sorte que la sécurité soit prise en charge des deux côtés de la bande frontalière.