Par la voie la plus autorisée du pays, il a été constaté avec véhémence, un préjudiciable déficit en gestionnaires de haut niveau. Sans doute en réplique à cette remarque autoritaire, le ministère des Finances vient de placer sous sa tutelle l'Institut de gestion et de planification (ISGP) dont la création remonte à 1984. Est-ce à dire que l'on va s'orienter vers des formations « à la carte », en considération des besoins spécifiques de chacun des secteurs demandeurs en managers initiés aux nouvelles donnes de l'économie de marché. S'il est vrai que du fait de l'aisance actuelle de nos ressources financières, il nous est tout à fait possible d'acquérir des entités industrielles « clés en main », voire « produit en main », il n'est pas envisageable « d'importer » des cerveaux qualifiés pour en assurer le développement. Avec la mondialisation et son corollaire qu'est la globalisation, il se produit une véritable révolution dans le perfectionnement des techniques managériales qui touchent tous les aspects, combien nombreux, liés à la gestion des entreprises. L'exigence de la performance sans cesse croissante, face à une concurrence effrénée, tous azimuts, ne permet pas la moindre faille dans les qualités requises des gestionnaires. Donc, le manque de dirigeants de haut niveau n'est pas propre à l'Algérie : il est universel. Evidemment, les méthodes de formation d'antan sont dépassées : il faut adapter et innover en permanence selon les exigences changeantes du contexte technologique et économique de l'heure. Aux dires d'un spécialiste, « un dirigeant doit être agile, réactif, bien communiquer, avoir de l'intuition, du leadership et il doit savoir dynamiser son équipe ». Autrement dit, un « mouton à cinq pattes », qui doit impérativement actualiser ses connaissances pour s'adapter aux besoins du moment. La question se pose avec acuité dans certains groupes : l'Oréal et Schneider Electric pour ne citer que ces deux qui se penchent depuis quelque temps sur les changements à opérer, de fond en comble, le tout étant de trouver la voie idéale qui mène au succès. Mais qui hélas n'existe pas en forme standardisée. Sans un remarquable ouvrage consacré au sujet (Les meilleurs pratiques du développement des dirigeants de Bruno Dufour et Martine Plompen publié aux éditions de L'organisation, Paris) il est posé, entre autres, la question de savoir quelles sont les meilleures pratiques envisageables : « Learning », « action learning », via l'université d'entreprise ou une formation interne du genre « business schools », au sein même de l'entreprise, animée par des consultants extérieurs, en somme l'externalisation recommandée dans les pratiques de bonne gouvernance. Ou encore le recours à un partenariat multientreprise qui a le mérite d'aborder des formations quasi-uniformes. De fait, chaque cas est une particularité à traiter spécifiquement : « Rien n'est fait, tout dépend de la situation de l'entreprise et de la problématique de développement des dirigeants. » Il y a bien sûr la formule du cours magistral qui, dispensé au niveau de l'université traditionnelle, mais pratiquée en entreprise, présente l'inconvénient de ne pas concentrer l'écoute attentive des participants, surtout lorsque les sujets abordés portent tout aussi bien sur des questions économiques, sociales, géopolitiques, etc. Autant rébarbatifs qu'incitatifs à la… somnolence. La tendance est au recours au partenariat international qui semble donner, dans certains cas, de bons résultats. On citera à ce propos l'exemple de Schneider Electric qui, avec l'Oréal et trois autres multinationales (Nissan, Alcan et Wipro, une SSII indienne) se sont associées pour mettre en place un programme mondial de formation de leurs cadres dirigeants dénommé Global Learning Alliance. Une formule qui pose toutefois problème et fait dire à Bruno Dufour que « l'idée d'une alliance avec d'autres entreprises est séduisante, mais en réalité, il y en a très peu, car difficile à mettre en place et à maintenir activement ». Il y a aussi le coût élevé occasionné par une telle opération qui supporte les lourdes charges de financement des programmes particuliers autrement plus et mieux élaborés que ceux appliqués à des formations standardisées. En résumé, point de recettes miracles, mais plutôt une adéquation entre la formation — entendez mise à niveau — et les projets de développement de l'entreprise. On citera le cas de la Chine qui vient de conclure une importante convention en vue d'assurer la formation sur mesure de cadres gestionnaires triés sur le volet : le cocontractant n'est autre que la célèbre grande école parisienne, HEC. Chez nous, nous en sommes encore aux méthodes archaïques d'antan, en vogue à l'époque de l'économie administrée. Nos gestionnaires ont été formés pour servir l'entreprise socialiste animée par le seul souci de la productivité coûte que coûte, sans aucune préoccupation, quant au critère de la rentabilité. Et c'est avec ces mêmes gestionnaires que nous avons fait notre entrée dans le circuit de l'économie de marché fondé exclusivement sur la maximisation du profit… dans la légalité ! Il y a donc urgente nécessité de reconsidérer fondamentalement tout le processus en cours en vue de son adaptation aux nouvelles donnes de nos choix économiques. Peut-être faudrait-il envisager une forme d'états généraux autour du sujet, réunissant toutes les (vraies) compétences ? A supposer que les conclusions de la réflexion ne demeurent pas figées dans des résolutions non suivies d'effet sur le terrain.