Nous avons eu le Nouvel an, puis, juste après, la fête du Mouloud, et, dans deux jours, arrive Yennayer. Hasard des calendriers, sans doute. Mais dans ce tiercé symbolique et inaugural de 2015, nous avons un concentré des fondements de notre identité, ou du moins de ce qu'elle devrait être. Entre la bûche, la tamina et bientôt les friandises de Yennayer, on ne risque pas de se prendre un diabète culturel. C'est ce que de très nombreux Algériens et Algériennes semblent penser, eux, qui, de tous lieux et milieux, et selon leurs moyens, ont célébré les deux premières dates, généralement en famille, sans éprouver la moindre sensation de contradiction, parfaitement à l'aise dans leur attachement à la foi et une ouverture au monde. Pour Yennayer, le Haut-Commissariat à l'amazighité a annoncé le lancement du projet d'inscription de cette tradition ancestrale au patrimoine culturel immatériel de l'humanité. Belle initiative, un colloque réunira prochainement des experts de diverses disciplines pour alimenter le dossier à présenter à l'Unesco et permettre ainsi de réunir des connaissances sérieuses et avérées. Espérons que cette rencontre comprendra également un questionnement du calendrier établi apparemment par un petit groupe de personnes (selon certaines sources, l'Académie berbère en 1968) et qui depuis a été popularisé sans que personne ne s'interroge sur ses fondements. Pourquoi 2965, à partir de la date où un certain Chechnak (ou Chechonk 1er) devint pharaon à la place du pharaon pour fonder la 22e dynastie égyptienne et non pas, semble-t-il, pour diffuser la culture amazighe ? Pourquoi pas Jugurtha, par exemple, dont Tarik Djerroud nous dit, ci contre, que nous pourrions en «tirer une fortune collective et une fierté constructive» ? Ou Massinissa ? Ou un autre ? Est-ce que Yennayer tombe le 12 janvier ou le 13 ? Le besoin légitime et indispensable de rétablir une histoire ne peut se passer de sources précises. Or, nous ne disposons même pas d'une biographie de ce Chechnak et, sauf erreur, aucun historien ne nous a gratifié d'un ouvrage de référence. Le HCA entend s'inspirer de la fête de Norouz, dit «Nouvel an persan». Remontant à 3000 ans et célébrant le printemps, elle a été classée en 2009 au patrimoine culturel immatériel mondial et un an après, l'Assemblée générale de l'ONU a créé la Journée internationale du Norouz. A l'unanimité. Donc avec le vote de l'Algérie. Or, si l'on veut que Yennayer soit internationalement reconnu, on nous demandera certainement — alors qu'il est fêté à travers tout le pays par les familles et les collectivités — pourquoi il n'est pas officialisé au plan national ? Si la démarche a réussi pour Norouz, c'est aussi parce que même la République islamique d'Iran en a fait un jour férié. Imaginez le bien que cela ferait à notre société et à notre pays que d'institutionnaliser Yennayer. Une respiration bienvenue en des temps difficiles.