Face aux riches pays du Golfe, confiants en la viabilité de leurs finances publiques malgré la chute continue des cours pétroliers, le Venezuela, l'Algérie et surtout l'Iran, affectés à différents degrés par la crise, tentent de se constituer en front solidaire pour faire revenir l'OPEP à sa vocation habituelle : défendre la stabilité des prix. L'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) sert-elle suffisamment les intérêts des pays producteurs, comme l'Agence internationale de l'énergie (AIE) le fait, elle, avec les pays consommateurs ? En cette conjoncture pétrolière où les cours du brut ne cessent de dégringoler, l'OPEP, neutralisée par les gros producteurs du Golfe non affectés par la crise, paraît plutôt encline à faire le jeu des grandes puissances occidentales. Le jeu des grandes puissances En décembre dernier, alors que le baril perdait plus de 50% de sa valeur en l'espace d'à peine six mois, l'Arabie Saoudite, en leader naturel de l'OPEP, donnait clairement le ton par la voix de son ministre du Pétrole, Ali Al Naïmi. «Il n'est pas dans l'intérêt des producteurs de l'OPEP de baisser leur production, quel qu'en soit le prix», avait-il ainsi déclaré dans une interview, pour le moins surprenante, à la revue spécialisée Middle East Economic Survey. Allant plus loin dans sa logique, le ministre saoudien avait même exclu toute possibilité de voir son pays revenir sur sa position, quand bien même le brut viendrait à perdre plus de 80% de sa valeur, en baissant jusqu'à 20 dollars le baril. Alors que nombre d'observateurs évoquent surtout des considérations géopolitiques et des velléités d'affaiblir l'Iran et la Russie, Riyad, qui produit quelque 9,6 millions de barils par jour et reste forte de ses réserves en devises estimées à 750 milliards de dollars, justifie, elle, sa position par une simple volonté de défendre ses parts de marché, notamment face aux producteurs de gaz de schiste. Un argument que mettent également en avant les Emirats arabes unis, autre monarchie du Golfe non touchée par la crise, et dont le ministre de l'Energie, Suhaïl Mazroui, affirmait, hier, que l' OPEP ne peut plus «protéger» le prix du baril de pétrole, car, a-t-il soutenu, «nous avons connu une surproduction, venant essentiellement du pétrole de schiste, et cela doit être corrigé». Des pays producteurs sous pression Face aux riches pays du Golfe, confiants en la viabilité de leurs finances publiques malgré la chute continue des cours pétroliers, leVenezuela, l'Algérie et surtout l'Iran, affectés à différents degrés par la crise, tentent, eux, de se constituer en front solidaire pour faire revenir l'OPEP à sa vocation habituelle d'organisation censée défendre la stabilité des prix. Si le Venezuela et l'Algérie, enclins depuis la fin de l'année à la rigueur budgétaire, tentent actuellement d'ouvrir des tractations en vue d'inciter à une réduction des niveaux de production au sein de l'OPEP, l'Iran, quant à lui, va jusqu'à s'attaquer ouvertement aux monarchies du Golfe, les accusant d'avoir carrément planifier cette nouvelle crise pétrolière. «Ceux qui ont planifié la baisse des prix du pétrole contre certains pays devraient savoir qu'ils le regretteront», a ainsi déclaré, hier, le président iranien Hassan Rohani, ajoutant que son pays «ne sera pas sous pression» et qu'«il surmontera ce complot». En définitive, à mesure que les prix du baril poursuivent leur chute libre et que l'Arabie Saoudite et les pays du Golfe campent sur leurs positions, alors que d'autres producteurs continuent d'étouffer financièrement, l'OPEP, avertissent certains experts, risque de connaître à terme une grave crise d'existence.