Marasme, agitation, confusion et surtout une grande incertitude à l'université de Béjaïa, où le bras de fer opposant les étudiants exclus, qui réclament leur réintégration à l'administration universitaire se poursuit. Au niveau des deux campus, Aboudaw et Targa Ouzemmour, c'est le statu quo qui règne : arrêt de toute activité pédagogique, portails barricadés, rectorat occupé jour et nuit, rassemblements, assemblées générales… A ce stade de l'année, un blocage aussi tenace fait craindre, au mieux un semestre blanc, au pire une année blanche. Les étudiants sont soit confinés dans les résidences universitaires, soit à la maison, dans l'attente d'un dénouement qui, hélas, tarde à venir. Pour rappel, l'administration rectorale a exclu, cette année, près de 2000 étudiants pour «insuffisance pédagogique», parmi lesquels 1200 ont été repêchés. Les restants tentent vainement d'être réintégrés par le moyen d'un mouvement de protestation qui paralyse l'université depuis des semaines et devant lequel les dirigeants locaux de l'université sont impuissants. L'affaire a atteint le ministère de l'Enseignement supérieur, qui a dépêché, la semaine dernière, une commission pour s'enquérir de la situation et tenter de la desserrer. Après s'être entretenue avec les représentants des étudiants, la commission, composée du chef de cabinet du ministère, un inspecteur de l'enseignement et un chargé des relations avec les organisations estudiantines, a ordonné une convocation d'un Conseil scientifique qui devait «réexaminer au cas par cas les dossiers des étudiants qui ont déposé des recours». Ils sont 141. Il a été décidé également que les étudiants en retard de moins de 5 années seront inscrits normalement, tandis que ceux dont les retards vont au-delà seront réintégrés en inscription académique. Le Conseil scientifique, qui devait rendre sa décision le lendemain, soit mercredi dernier, ne l'a pas fait. Pourquoi ? Les étudiants soupçonnent des «manipulations». «Beaucoup d'enseignants sont contre la réintégration et ce sont eux qui pèsent de tout leur poids auprès du recteur pour qu'on nous exclue», croit savoir un étudiant exclu. Sortis enfin de leur silence il y a tout juste une semaine, les enseignants ont tenu une AG pour débattre du conflit. De ce qu'il en est ressorti, beaucoup sont opposés à la réintégration des étudiants. «Pourquoi remet-on en cause une décision d'un jury de délibération ? On n'exclut pas pour le plaisir, mais quand le rendement et les capacités d'un étudiant sont jugés insuffisants», soutient un enseignant exerçant à Targa Ouzemmour. Seule une minorité, regroupée autour du CNES, semble favorable à la réintégration. «D'abord, il faut éclaircir une chose, prendre la décision d'exclure ou de réintégrer des étudiants n'est pas du ressort du Conseil scientifique, comme aime à le dire le recteur. Ce Conseil n'est que consultatif et point souverain», dira à El Watan Kamel Aïssat, enseignant à la faculté de technologie et membre du CNES. Cette «minorité» d'enseignants s'accorde avec les arguments des étudiants pour lesquels l'exclusion n'est pas la solution à un étudiant victime de mauvaises orientations et conditions sociopédagogiques. C'est aussi pareil pour la majorité des étudiants qui se solidarisent avec leurs camarades. «Nous savons où nous évoluons et les difficultés qui se dressent devant nous, donc je suis contre l'exclusion», tranche Linda, étudiante en architecture. Avant de faire flop, la venue de la commission a redonné une lueur d'espoir. Le recteur, contacté au lendemain de la venue de la commission, nous a dit qu'il allait s'en tenir à l'instruction de la commission. Au moins une partie des étudiants allait être reprise. «C'est au Conseil scientifique, comme l'a ordonné la commission, de réexaminer les cas des 141 étudiants et de rendre sa décision qui est souveraine», nous a-t-il dit, soulignant toutefois que le Conseil scientifique initial a jugé la majorité des recours «irrecevable», du fait de leur «non-conformité» aux normes du recours. Somme toute, la confusion est le maître à l'université de Béjaïa. Les Conseils scientifiques s'enchaînent sans pour autant se fondre d'une solution qui mettra fin à cette situation et aux inquiétudes qu'elle engendre. A noter que les examens de moyenne durée, qui devaient avoir lieu à partir du 15 de ce mois, sont reportés au 29 «pour rattraper les retards». Tout porte à croire qu'ils feront l'objet d'un autre report.