La scène politique s'emballe. A l'approche de la «conférence du consensus national» prévue pour les 23 et 24 février et à laquelle a appelé le Front des forces socialistes (FFS) la classe politique, particulièrement celle se réclamant de l'opposition au pouvoir, force le pas et passe à une vitesse supérieure dans l'occupation du terrain. Confinés jusqu'ici dans des échanges épistolaires à distance, la confrontation entre les deux pôles – structurés autour de deux initiatives politiques antagonistes, celle emmenée par la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique (CNLTD) regroupant les partis de l'opposition et certaines personnalités et celle drivée par le FFS appuyé par les partis du pouvoir ou proche du pouvoir – se déplace désormais sur le terrain de la mobilisation et de la mise en œuvre pratique des projets politiques. La date symbolique du 24 février, commémorant le double anniversaire de la création de l'UGTA et de la nationalisation des hydrocarbures, n'a pas été choisie fortuitement par les deux parties. Le FFS a voulu puiser dans le registre de la souveraineté nationale pour tenter de donner un contenu hautement patriotique à son initiative. Pour sa part, en programmant des marches dans les 48 wilayas pour la date historique du 24 février, symbole de la récupération des richesses nationales, la CNLTD cherche à capter la colère des habitants du Sud liée au dossier du gaz de schiste. C'est aussi une opportunité pour jauger ses forces et le niveau d'adhésion populaire à son projet politique. Réussira-t-elle à faire jonction avec la rue, qui ne s'est pas impliquée jusqu'ici dans son initiative ? Les animateurs de la Coordination nationale sont conscients que les changements ne peuvent intervenir que si la population est partie prenante dans la construction de son destin. Face à l'absence de réactivité populaire au projet de transition démocratique de la CNLTD, c'est la Coordination qui décide de quitter son quartier général et le confort des débats organiques pour aller à la rencontre des citoyens. Le pari apparaît audacieux autant que politiquement risqué. Une faible mobilisation populaire dans les marches pourrait impacter négativement l'action de la Coordination et hypothéquer son devenir. D'autant que ce test de popularité et de légitimité auquel se soumet cette coalition intervient dans un contexte nouveau pour la CNLTD, qui enregistre les premiers couacs en son sein. La décision prise par un de ses membres, le MSP, de lancer une nouvelle initiative de dialogue qui se situe en porte-à-faux avec les fondamentaux de la Coordination en ce sens qu'elle inclut le pouvoir, s'en ressentira très certainement à l'occasion des démonstrations de rue, le 24 février. Le MSP, qui s'apprête à s'engager dans des pourparlers avec le pouvoir, va sans doute mettre un bémol à son opposition frontale au régime et s'abstenir d'envoyer des militants aux marches de la CNLTD pour donner des gages aux autorités. Certes, il ne faudra pas s'attendre à ce que le face-à-face du 24 février, entre le FFS ainsi que les forces qui le soutiennent dans son initiative de dialogue et la CNLTD qui s'engage pour la première fois dans la bataille de l'opinion, change le destin du pays. Mais il apportera un éclairage sur la configuration politique de l'Algérie de demain qui se dessine à gros traits abstraits.