La Suisse subit depuis quelques années des pressions de Bruxelles afin de revoir la «manière de faire» de ses banques. L'affaire SwissLeaks braque une nouvelle fois les projecteurs sur le système financier suisse, qui a de tout temps constitué le paradis fiscal par excellence. Le paradis fiscal qui n'est autre que la désignation d'un pays qui favorise l'évasion fiscale avec son système d'imposition très faible et l'absence de contrôle sur les avoirs garanti par le système du secret bancaire. La Suisse est un des nombreux anciens paradis fiscaux existant dans le monde. Elle gagne sa place de plaque tournante de la finance mondiale au début du XXe siècle, notamment grâce aux effets de la Première Guerre mondiale. Durant la crise financière de 1929, la Suisse est épargnée grâce aux dépôts de capitaux étrangers dans ses banques. De même, lors de la Seconde Guerre mondiale, son statut de pays neutre lui permet le rachat de l'or des Allemands qui utilisent les francs suisses pour s'approvisionner en différents matériels de guerre. Dans les années 1960 et 70, la Suisse est la place financière la plus importante au monde ; les dépôts étrangers s'y multiplient. Le succès des banques helvétiques est dans leur discrétion codifiée par la loi fédérale de 1934, notamment dans son article 47 qui interdit à un représentant d'une banque de divulguer la moindre information sur l'un de ses clients. Des économistes ont estimé à 180 milliards d'euros le total des dépôts étrangers en Suisse. L'ONG Tax Justice Network indique, quant à elle, que le total des avoirs bancaires représente 820% du PIB de la Suisse. Mais cette situation n'est pas appelée à durer. La Suisse subit depuis quelques années des pressions de Bruxelles afin de revoir la «manière de faire» de ses banques. Ainsi, la Suisse décide «d'abandonner son secret bancaire vis-à-vis de l'étranger dès 2018 avec le passage à l'échange automatique de renseignements entre administrations fiscales». Dans un entretien accordé au journal Swissinfo, le secrétaire d'Etat chargé de cette réforme bancaire, Jacques de Watteville, déclare que «l'échange automatique devrait s'appliquer à tous les pays, de la même manière, sur la base de la réciprocité, les informations pourront être échangées uniquement à des fins bien définies et seront soumises à la protection des données et, enfin, la transparence s'appliquera également aux trusts et autres entités juridiques». Les candidats à l'évasion fiscale chercheront alors d'autres destinations pour leur argent, puisque la liste des paradis fiscaux est bien longue. M. Watteville estime que les autres places financières –Luxembourg, Autriche, Singapour, Hong Kong ou Jersey – seront aussi engagées dans l'échange automatique d'informations. Est-ce la fin des paradis fiscaux ? Assurément non, puisque ces exigences de transparence bancaire concernent les Etats membres de l'OCDE. Les Etats du Sud, où même l'argent public est détourné par des représentants des Etats eux-mêmes pour être domiciliés dans des paradis fiscaux, continueront à faire le bonheur de ces derniers. En l'absence de poursuites et de contrôle judiciaire, les oligarques du Sud rempliront les caisses des places financières. On se rappelle tous des avoirs mirobolants des anciens présidents tunisien Zine El Abidine Ben Ali et libyen Mouammar El Gueddafi, déposés dans les banques suisses et que ces pays peinent à récupérer. Les dictateurs et autres adeptes du blanchiment d'argent sale trouvent leur compte dans les comptes répartis dans les nombreux paradis fiscaux existant dans le monde. L'ONG Tax Justice Network avait recensé, en 2013, pas moins de 83 pays concernés. Parmi les plus connus figurent la Suisse, le Luxembourg, les Etats-Unis avec l'Etat du Delaware, la City de Londres, l'Irlande, Singapour, les îles Caïmans, les Bermudes, le Costa Rica, le Panama, les Seychelles et Saint Kitts & Nevis. Dans les zones tournées vers la finance offshore, on cite aussi le très «sérieux» Japon ou encore l'Allemagne. Figurent en outre le Liban, le Botswana, le Brunei, le Guatemala, les îles Marshall, les Vierges britanniques, le Montserrat, le Nauru et le Niue.