L'enterrement de la romancière Assia Djebar a eu lieu hier dans la matinée au cimetière de Cherchell, sous une pluie fine. Beaucoup de personnalités étaient présentes à cet ultime rendez-vous avec l'académicienne, aux côtés des membres de sa famille et de citoyens anonymes. Tous ont tenu à se recueillir devant la tombe de l'immortelle. Il aura fallu attendre une heure avant qu'Assia Djebar ne rejoigne son espace pour l'éternité, non pas comme elle avait souhaité aux côtés de son père, les décideurs ayant jugé utile de creuser la tombe juste à l'entrée du cimetière. Jean-Baptiste Faivre (ministre conseiller en fonction à l'ambassade de France) était présent. L'assistance a attendu l'arrivée des officiels, avant de commencer la cérémonie, dépourvue d'oraison funèbre. Les hautes autorités civiles et militaires de la wilaya de Tipasa, l'ancien chef de gouvernement Ali Benflis, les ex-ministres Boualem Benhamouda, Kamed Bouchama, Mihoub Mihoubi, Abdelkader Bounekraf, des membres du bureau national de l'ONM, des étudiants venus d'Alger et de Tizi Ouzou, des cinéastes et des responsables du mouvement associatif sont venus des wilayas environnantes pour se joindre à la foule venue rendre le dernier hommage à cette grande dame. Morte, Assia Djebar a été accompagnée par des femmes jusqu'à sa dernière demeure, brisant ainsi un tabou pour la première fois dans l'histoire de la ville de Cherchell. En effet, le fait que les femmes soient présentes au cimetière a été un impondérable surprenant qui a suscité moult commentaires. L'imam a affiché son impuissance face à l'esprit de cette Algérienne, Assia Djebar, allongée paisiblement dans son cercueil enveloppé de l'emblème national. Femmes, jeunes, hommes ont entonné en chœur Min Djibalina au moment où Assia Djebar a été mise en terre, chant suivi par des youyous et des applaudissements. Des couronnes de fleurs ornent sa tombe. «Avec la présence de la grande romancière algérienne Assia Djebar, Cherchell deviendra une ville immortelle», a déclaré le wali. Hamid Oudaï, l'un des deux fils de l'héroine Zoulikha Oudaï, objet du roman La Dame sans sépulture, nous a confié : «Je n'oublierai jamais Assia Djebar qui a sorti ma mère de l'anonymat. Elle était venue en 1976 chez nous, à la maison, pour commencer le tournage du film Nouba des Femmes du Chenoua. C'était une femme très fière, qui aimait son pays, l'histoire de son pays, qui a toujours milité pour les droits des femmes, afin qu'elles soient présentes à tous les niveaux et dans tous les domaines.» Alors que l'assistance se dispersait pour quitter le cimetière, un véhicule de couleur noire s'est arrêté face à cet amas de terre fraîche colorée par les fleurs. Assise à l'intérieur de ce véhicule, la maman d'Assia Djebar, fatiguée en raison de sa maladie, s'est recueillie sur la tombe de sa fille. Samir, le frère d'Assia Djebar, accompagné par ses proches s'est dirigé plus loin, pour se recueillir sur la tombe de son père. Assia Djebar est à présent au milieu des siens. Elle a suscité la curiosité. Elle a réuni les membres de sa famille qui ne se sont pas rencontrés depuis des décennies. Les habitants de Cherchell sont aujourd'hui fiers de la présence d'Assia Djebar parmi eux.