Après Zohra Drif-Bitat en décembre dernier, la 2e édition du forum culturel de la direction de la culture de la wilaya de Jijel a invité, samedi, au centre culturel Ahmed Hamani, l'écrivain et ancien directeur de la bibliothèque nationale, Amine Zaoui, venu parler de son œuvre romanesque devant un public averti. Dans son intervention qu'il a voulue «loin des sentiers politique et idéologique» et de tout académisme, Amin Zaoui ne manquera pas de revenir sur la disparition de deux monuments de la littérature algérienne, Assia Djebbar le 6 février dernier, et onze jours plus tard, celui avec qui elle a partagé l'existence avant leur séparation, Malek Alloula. Celui qui se considère comme l'un des rares écrivains dans les langues arabe et français les qualifie dans l'acte d'écriture, de langue de l'être en l'opposant aux autres formes comme la journalistique. Auteur d'une dizaine d'œuvres romanesques en langue arabe et presque autant en français, traduites en 13 langues dont le chinois, Zaoui considère la richesse linguistique du pays comme une force. Et pour preuve, il citera l'arabe, langue nationale avec l'amazigh et de l'autre, la langue française «qui est présente dans la vie quotidienne». «Plus encore, ajoutera-t-il, nous avons des jeunes auteurs issus exclusivement de l'école algérienne qui écrivent en français». Soutenant que les lecteurs francophones sont plus tolérants dans l'acceptation des sujets tabous que les arabophones, du fait de l'accumulation d'une tradition de lecture, il ajoutera que la découverte d'un pays se fait à travers la littérature qui présente la femme, la religion, la liberté, le sacré à l'inverse des caricatures véhiculées par les autres canaux où l'on retrouve l'image du violent, du terroriste. Pour Amin Zaoui, la littérature est le meilleur ambassadeur du pays. Se référant sans cesse à d'illustres écrivains arabes comme El Djahidh, connus pour leur clairvoyance, leur audace et même leur insolence dans l'écrit, l'écrivain affirme avec regrets qu'un décalage existe aujourd'hui avec la modernité minée par un soubassement islamiste, sans courage, bien qu'il y ait toujours des exceptions. La déception de celui qui dit assumer la provocation lui fait dire qu'aujourd'hui au nom de l'Islam «les ignorants sont devenus des symboles», alors que l'Europe a été sauvée par la littérature et la philosophie et avec le progrès des arts. Il racontera à la fin une anecdote avec feu Ahmed Benbella qui diagnostiquait une «crise morale» dans le pays. Amine Zaoui lui a répliqué qu'il s'agit plutôt d'une «crise culturelle».