C'est le président François Hollande lui-même qui a recadré le président du Conseil représentatif des institutions juives, Roger Cukierman, lundi soir lors du dîner parisien annuel de l'instance où chaque année se pressent les responsables politiques français, de droite comme de gauche. Le président Hollande a rappelé que «l'antisémitisme a des racines anciennes, qui plongent dans toute l'histoire de l'extrême droite française, qui ne s'en est pas affranchie». Cela valait clairement clarification, alors que des hommes politiques et les médias ont laissé croire que les profanateurs de cimetières juifs, ces derniers jours, étaient des musulmans. Le président Hollande lui-même, dans son discours devant le Crif a parlé de «Français de souche», expression inhabituelle, pour ne pas dire inédite dans la bouche d'un responsable de ce niveau, même s'il a ajouté «comme on dit». François Hollande voulant répondre poliment à Cukierman, a tout de même officialisé une différence entre citoyens. Il faut dire que devant le Crif, dont on se demande s'il est une simple représentation de juifs de France ou une ambassade-bis de l'Etat d'Israël, on peut tout dire. «Toutes les violences aujourd'hui sont commises par des jeunes musulmans», avait affirmé le président du CRIF lundi matin sur Europe 1, amenant le président du Conseil français du culte musulman, Dalil Boubakeur, à annuler sa venue au dîner du CRIF, en protestation contre «des attaques aussi graves qu'infondées contre la composante musulmane de France». Pis encore, Cukierman avait jugé Marine Le Pen «irréprochable», elle qui, incessamment ces dernières années, a focalisé la haine contre les musulmans, prenant garde de ne pas toucher aux juifs, barrière infranchissable que prenait soin son père Jean-Marie Le Pen de maintenir abaissée, avec fourberie et haine. Ne plus être anti-juif, cela lui permet de se blanchir à présent et d'être à 30% dans les sondages pré-électoraux, même si le racisme anti-arabe et musulman reste son fer de lance. D'ailleurs, si Cukierman rétropédalait le soir, ce n'est pas pour demander aux Le Pen d'aimer les musulmans mais de rentrer dans le rang : «Marine Le Pen n'est ni irréprochable ni fréquentable tant qu'elle ne se sera pas désolidarisée des propos de son père, qui ont été condamnés en justice.» «Nous ne partageons pas les mêmes valeurs morales, et c'est pourquoi nous continuerons à ne pas l'accueillir ici, et à ne pas conseiller de voter FN». Aucune compassion par contre sur la haine envers les musulmans contre lesquels les actes d'agression ont augmenté après les attentats de Paris puis ceux de Copenhague. Enfin, si François Hollande a annoncé «des sanctions plus rapides et plus efficaces» contre «les propos de haine relevant du racisme», de l'«antisémitisme» et de l'«homophobie», pour ce qui est des propos déplacés contre une communauté, celle des musulmans, comme ceux de Cukierman, on attendait toujours un désavœu. Il aurait rassuré les musulmans de France en leur indiquant qu'il n'y a pas deux poids, deux mesures. A signaler que pour désamorcer la crise, le président François Hollande a reçu hier les présidents du CRIF et du Conseil français du culte musulman (CFCM), Roger Cukierman et Dalil Boubakeur. Le chef de l'Etat a délivré à cette occasion «un message de rassemblement de tous pour défendre les valeurs de la République».