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Constantine capitale de la culture arabe 2015 : Les bobards d'une manifestation de A à Z
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Publié dans El Watan le 26 - 02 - 2015


A : Comme Aménagement.
Il a fallu des décennies pour que le centre-ville de Constantine bénéficie enfin d'un aménagement tant attendu. Une opération à planifier à long terme, mais la manne pétrolière de ces dernières années n'a pas profité à cette ville. La manifestation de 2015 devait être l'opportunité salutaire. Il n'en fut rien. Pour un budget de 8 milliards de dinars, la réhabilitation du centre-ville s'est avérée une catastrophe à grande échelle. On n'a qu'à voir ce désastre «planifié» dans les rues Didouche Mourad et 19 Juin 1965 et qui a coûté 49 milliards de centimes. La fameuse «réhabilitation des immeubles», qui a «bouffé» 3 milliards de dinars, n'a été que du badigeonnage, sans parler de la grande mascarade des trottoirs, des places publiques et des espaces verts.
B: Comme Budget.
Le nerf de la guerre étant l'argent, dans cette course contre la montre le budget nécessaire n'a pas été débloqué à temps. Un retard qui a énormément perturbé le lancement des projets. Etait-il possible de préparer une telle manifestation en une année, sans tomber dans la précipitation ? Surtout que la ville accusait un retard «préhistorique» en infrastructures culturelles et hôtelières. Annoncé il y a juste une année (avril 2014), le budget de 60 milliards de dinars est perçu comme une manne céleste qui a commencé à attirer les appétits les plus voraces. Le même sort a été réservé au budget des activités culturelles «libéré» quatre mois seulement avant le lancement de la manifestation, mais tronqué de 3 milliards de dinars. Austérité oblige, le gouvernement n'accordera finalement que 7 milliards de dinars.
C : Comme Commissaire.
Personne ne veut être à la place de Sami Bencheikh El Hocine. Le directeur général de l'ONDA s'est vu confier une mission ingrate et à risque. Celle de gérer un budget astronomique face à des sollicitations de toutes parts, mais aussi des appétits «gargantuesques» des «prédateurs» soutenus par des clans spécialisés dans les razzias. Le commissaire de la manifestation a reconnu lui-même qu'il est impossible de satisfaire tout le monde, même si «l'on finira par se faire des ennemis». Une justification qui n'a pas convaincu les acteurs constantinois, qui se sentent déjà mis à l'écart, alors que la fête se déroule chez eux.
D : Comme Désagréments.
Les Constantinois en connaissent sûrement beaucoup de choses. Depuis le lancement des travaux au début de l'année écoulée, c'est la débandade dans la ville. Des grues au Ciloc, des forêts d'échafaudages dans la ville, des clôtures métalliques un peu partout, des lieux publics transformés en ferrailles et décharges pour déblais, des passants qui reçoivent des tuiles et des pierres sur la tête en raison des chantiers non sécurisés, des escarmouches entre les travailleurs et les riverains, des piétons contraints de circuler sur la chaussée, le quotidien des habitants est devenu cauchemardesque. Ce qui n'est pas l'avis de M. Tebboune, le messie du logement en Algérie, qui soutient que les inquiétudes des Constantinois sont injustifiées. Lui qui n'a pas tenté de faire l'expérience en circulant à pied dans la ville, au milieu des Constantinois et non dans une voiture blindée.
E : Comme Escaliers.
La démolition de ce pan de l'histoire et du patrimoine architectural de la ville sera la tache noire de cette manifestation. Une véritable malédiction pour la ville. Pourtant, ces escaliers en pierre bleue, un matériau noble, ont résisté durant plus de 150 ans et ne demandaient qu'un entretien. Mais il est dit qu'une autre «bêtise humaine» sera commise, comme ce fut le cas pour la vieille ville en 2005. Finalement, les décideurs ont eu raison de la colère et de l'opposition des citoyens. Même le wali qui a la responsabilité de protéger le patrimoine de la ville est resté insensible aux appels des amoureux de cette cité. Le plus original dans cette triste affaire demeure la parade du DUC, Mehdi Lahbib, celui par qui le désastre est arrivé. Dans un reportage diffusé par la chaîne KBC, il lâche cette phrase apocalyptique : «Koulchi yefna» (Tout est appelé à disparaître). Dans ce cas, pourquoi ne pas démolir le rocher Monsieur le Duc ?
G : Comme Gré à gré.
C'est devenu un procédé systématique et généralisé au mépris de la réglementation et du code des marchés publics, au point de susciter des doutes et des interrogations, lorsqu'on sait que des entreprises se sont vu confier par «complaisance» des projets dépassant leurs aptitudes et leurs compétences. Les multiples visites du wali de Constantine ont révélé que des bureaux d'études étrangers n'assuraient même pas le suivi des chantiers. Certains n'ont plus donné signe de vie, après avoir décroché des projets à coups de milliards. Malgré toutes les largesses, l'on a assisté à une série de retraits injustifiés. Dans certains projets, c'est carrément la navigation à vue pour les entreprises de réalisation, comme ce fut le cas pour la mosquée Emir Abdelkader, ou pour le palais de la Culture Malek Haddad, où les autorités ont fini par faire appel aux Chinois pour sauver la face.
I : Comme Illumination.
Le projet qui devait être mené par «l'illuminé» architecte-lumière Alain Guillot a fait couler beaucoup d'encre. Cela a failli même tourner à l'illusion. Annoncé en 2012, le projet d'illumination de 30 sites entre immeubles et monuments historiques de la ville avait suscité certaines critiques, surtout que l'idée n'était pas nouvelle, et elle avait été déjà proposée par des Algériens. Malgré les idées «lumineuses» de M. Guillot, le contrat qui devait être conclu avec les autorités est passé par des phases d'obscurité intenses, ce qui a failli coûter cher à son initiateur. Le projet, dont le montant n'a jamais été rendu public, demeure la grande inconnue de cet événement.
L : Comme Logo.
C'est le bobard le plus dur à avaler. Une histoire qui avait commencé par un concours ouvert à tous les artistes, mais qui finira par accoucher un dessin fade, moche, sans relief, sans inspiration et insultant pour le riche patrimoine culturel de la ville. Un logo qui se résume à une lettre de l'alphabet arabe (Qaf), conçu pour un million de dinars par une agence de communication algéroise accusée de faire dans le plagiat. C'est vraiment une offense à la manifestation elle-même. La tempête provoquée par des réactions en chaîne sur les réseaux sociaux finira par faire sortir la ministre de la Culture de sa réserve. Le toilettage tant annoncé n'aura finalement pas lieu. Le fameux Qaf a fait de la résistance, et tant pis pour la création.
O : Comme Optimisme.
En octobre 2013, en pleine fougue des préparatifs, l'on avait annoncé que 60% des 74 projets seront prêts le jour J. C'est dire que l'optimisme était à son top. Quatre mois avant le lancement de la manifestation, personne parmi les plus optimismes ne pariait sur la réception d'au moins 10% des ces structures. Lors d'une émission radiophonique, le SG de la wilaya est allé même jusqu'à déclarer qu'il n'est pas nécessaire de réceptionner les projets à temps. Il suffira juste d'avoir une salle d'honneur pour accueillir les invités à l'aéroport, des hôtels de haut standing pour les héberger (heureusement qu'il y avait les Chinois au Marriott), et une salle de spectacles aux normes internationales. Le reste, il pourra suivre même en 2018, à l'instar de la bibliothèque urbaine et le Musée d'art et d'histoire de Bab El Kantara, mais aussi La Medersa et le Musée d'art moderne.
P : Comme Pavillon des expositions.
C'est le grand bide de l'année. Mises en demeure, décisions de résiliation, interventions, l'histoire de ce projet est digne d'une véritable pièce tragi-comique. Chargée une première fois pour réaliser ce projet, l'entreprise chinoise CSCEC sera finalement éjectée au profit d'un bureau d'études algérien, en partenariat avec un groupement espagnol qui s'est montré défaillant en matière de respect des clauses du cahier des charges. Résultat : des mois d'attente et le projet restera toujours en suspens. Dans ce même volet, des projets annoncés en grande pompe il y a deux ans ont été complètement abandonnés. On n'a entendu aucun responsable parler du site de Tiddis, le Chemin des touristes, l'ascenseur de Sidi M'cid, le tombeau de Massinissa, le mausolée de Sidi M'hamed El Ghorab, mais aussi les centres culturels dans les communes et le théâtre de la ville d'El Khroub.
S : Comme Salles de cinéma.
Comment peut-on parler de culture quand on commet un crime contre la mémoire de la ville ? En septembre 2014, la ministre du Tourisme, Yamina Zerhouni, annonce la transformation de la Cinémathèque Cirta en restaurant. Une véritable bombe pour les amoureux du 7e art. On assiste à la disparition d'un monument du cinéma à Constantine. Pourtant, neuf mois plus tôt, en visite dans la ville avec son staff, Khalida Toumi, ex-ministre de la Culture, avait confirmé la reprise et la réhabilitation de toutes les salles de la ville, dont celles laissées à l'abandon après la gestion catastrophique de l'APC. Ce ne sera que de fausses promesses. Les salles obscures de la ville resteront fermées.
V : Comme Vieille ville.
Une grande partie de la médina sauvegardée est déjà en ruine. Le plan de réhabilitation tant attendu s'est avéré un flop. Le programme réservé à certains sites, mosquées, zaouïas, maisons et autres pour un budget de 7,5 milliards de dinars fait face à d'énormes difficultés. Plus d'une année après le lancement des chantiers, les travaux piétinent, alors que dans d'autres lieux ils sont carrément à l'arrêt. Pendant ce temps, des maisons tombent les unes après les autres comme des boîtes en carton. Après des décennies d'abandon, la ville n'aura pratiquement rien à présenter à ses invités, sauf des vestiges pour les adeptes des lamentations.
Z : Comme Zénith.
C'est pratiquement la seule note de satisfaction dans le feuilleton des projets ratés. Une leçon de rigueur et de savoir-faire que les Chinois ont donnée aux entreprises locales. Pourtant, en deux ans, son budget passera de 2,5 à 8,5, puis à 11 milliards de dinars, soit cinq fois son coût initial. Trop cher avec 2000 euros/mètre carré. Une réévaluation qui renseigne aussi sur la manière avec laquelle a été menée l'étude. Mais peu importe le prix payé, surtout que ce «joyau» architectural, dont la réalisation a soulagé les autorités et la ministre de la Culture, sera le «cœur battant» de la manifestation. Une vraie consolation qui fera honneur à la ville en ces temps de vaches maigres.


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