«J'ai vu Constantine aujourd'hui. Ou plutôt je l'ai revue. J'en ai fait le tour. Elle est hideuse, avec ses rues défoncées, ses façades dégarnies, ses ponts à peine suspendus... Ce ne sont pas les milliards qui seront dépensés dans le ravalement de ses façades qui donneront de l'éclat au Coudiat tuberculeux, à Saint-Jean livré à la fast-fooderie, à la Brèche plastifiée et poussiéreuse, à Sidi-Rached agonisant... Il faut bien plus pour que Cirta la Numide devienne d'abord une ville avant de la hisser au rang de capitale, même culturelle...» Voilà ce qu'a écrit sur Facebook l'ami Aissa Arab, un internaute particulièrement inspiré, dont les publications ne manquent jamais de pertinence. Il est aujourd'hui question de Constantine parce que la ville est au cœur de l'actualité. Elle aurait pu être un centre d'intérêt pour quelque chose de plus consistant. La place de cette ville dans l'histoire du pays, comme ses potentialités présentes, peuvent largement en faire un espace de rayonnement culturel et économique qui peut la placer à l'occasion comme dans la durée au-devant de l'actualité nationale. Mais on ne refait pas (notre) monde, de la même manière qu'on ne choisit pas son… actualité. Constantine fait parler d'elle ces derniers jours grâce à une histoire de «qaf». Une lettre chargée de symboles, paraît-il. En tout cas suffisamment pour contenir des millénaires d'histoire de Cirta. Le fait est que Constantine sera prochainement «la capitale de la culture arabe». On connaît les résultats de la précédente édition qui a eu lieu à Tlemcen. Et peut-être bien qu'on n'avait même pas besoin d'évaluer ce qu'a apporté au pays et à la ville cette manifestation en termes de développement culturel. Il se peut qu'on n'ait pas besoin d'être si ambitieux et de nous en tenir à ces aspects festifs, pour nous rendre compte de l'insignifiance du niveau d'implication des habitants de cette ville, indicateur de base de la réussite des manifestations de ce genre. Dans le cadre donc de «Constantine, capitale de la culture arabe», les organisateurs auraient lancé un concours pour la conception du logo de la manifestation, et une commission composée de connaisseurs devait choisir la meilleure proposition dont l'auteur sera récompensé par un chèque de cent mille dinars. C'est que dans ce genre de kermesses, on voit toujours les choses en grand et on ne lésine jamais sur les moyens. Cent mille dinars pour un logo, ça renseigne déjà sur le reste. Et quand on a vu la qualité artistique du logo choisi, on comprend tout. Non seulement le «qaf» sur fond violet est ridicule - on dirait le logo de l'Enad, selon un artiste - mais il donne une idée sur l'ensemble de la manifestation. Le problème est que le fait d'en arriver à la critique du programme de la manifestation et de son déroulement est déjà une… consécration. C'est toute la conception de l'action et de l'activité culturelles telles qu'envisagées qui sont à remettre en cause. Pour plein de choses mais d'abord pour celle-ci, basique : à ce prix-là, et puisé directement dans les caisses de l'Etat, il y a bien mieux à faire. S'agissant de Constantine, l'introduction de l'ami Aissa Arab pourrait peut-être inspirer beaucoup de monde.