Lorsqu'on évoque la lutte contre la pauvreté, on ne peut éviter de plonger le débat dans ses racines historiques et sociales du pays objet de l'analyse. La guerre d'indépendance et l'expérience «socialiste» des années soixante-dix avaient irrémédiablement scellé les valeurs d'entraide, d'équité et d'égalité d'opportunités comme des constantes de l'unité nationale. Le degré d'application de ces principes nobles est bien sûr diversement apprécié par les analystes. Mais on ne peut manquer d'être solidaire avec la générosité d'une vision qui intègre une meilleure distribution des ressources comme une valeur forte de notre modèle économique. D'ailleurs, une branche de la science économique se développe très rapidement : «L'économie du bonheur». Elle intègre l'équité et la qualité de vie comme des variantes aussi importantes que le volume de production (PIB). Mais la vraie problématique est ailleurs. Elle s'articule autour des questions suivantes : avons-nous des programmes sociaux efficaces ? Sont-ils durables (sustainable) ? Pour notre cas spécifique, peut-on les financer même en période de chutes prolongées des prix pétroliers ? Que doit-on faire pour les rationaliser ? Tout comme les secteurs industriels, agricoles, services et autres les programmes sociaux font souvent l'objet d'audits spécifiques. Il ne s'agit pas de priver les plus pauvres du peu d'aides qu'ils reçoivent, mais d'introduire le maximum d'efficacité afin d'ôter aux plus privilégiés l'accès aux aides indues. Il y a eu de nombreuses études sur la question par plusieurs chercheurs et institutions internationales. Mis à part quelques divergences d'opinions, des conclusions intéressantes ont été relevées et des recommandations pertinentes formulées. Quelques éléments du problème Le management des programmes sociaux a été la cible de nombreuses investigations qui ont permis d'élucider pas mal de phénomènes. Par exemple, lorsqu'on subventionne les prix pour «aider les pauvres», il est connu alors que pour chaque dinar subventionné aux nécessiteux, huit ou neuf dinars vont aux plus nantis. On subventionne la semoule et la farine au niveau des prix pour les rendre accessibles aux pauvres. Mais pour un dinar consommé par un pauvre, huit à neuf vont à un plus riche parce que ce dernier va consommer des gâteaux, des crêpes, etc. subventionnés. La situation pour l'énergie est pire. La subvention pour tous incite au gaspillage, au trafic (hors des frontières) et donc à l'augmentation de la demande interne et la réduction de nos exportations. Par ailleurs, il est aussi connu que lorsque la gratuité touche aussi les services rendus, par exemple les soins, on aura des privilégiés qui auront accès à des soins gratuits de meilleure qualité et les pauvres auront une prise en charge dérisoire. Tous les pays qui avaient des traditions sociales (Suède, Allemagne, etc.) ont dû revoir les outils de promotion d'une meilleure équité sociale. Sans sacrifier l'aide et l'équité, ils ont pu promouvoir, de bien meilleures manières de lutter contre les inégalités sociales furent conçues. Nos décideurs politiques, depuis l'indépendance, ont bonne conscience. Pour eux, les énormes ressources mobilisées vont promouvoir le «niveau de vie des couches déshéritées». Mais la lutte contre les inégalités et l'appui à nos citoyens déshérités ne justifie pas le gaspillage (plus de 80% des ressources sont gaspillées en pure perte). Certes, la paix sociale n'a pas de prix, mais une distribution de ressources non pérenne n'offre qu'une illusion d'une paix éphémère. Les citoyens riches ont Algérie sont les plus heureux de la planète. Non seulement on leur subventionne les produits de première nécessité, mais également les produits luxueux (véhicules haut de gamme, parfums, vêtements de marque) à travers le taux de change. Au lieu d'acheter la devise à 160 DA l'euro au sein des bureaux de change, les importateurs l'achètent au taux officiel pour se procurer ces produits haut de gamme. Les solutions sont connues Il y a aussi beaucoup de «Social invisible». Les nombreux cadres et travailleurs des entreprises publiques qui sont assainies chaque trois à quatre ans en font partie. La faute n'incombe guère aux travailleurs. Les centaines de milliers de postes d'administratifs en sureffectif. Ces personnes méritent considération et respect. Il faut les former et les verser dans des postes économiques productifs avec un salaire au moins équivalent à ceux qu'ils possèdent. Nous avons une «petite économie» qui supporte une montagne sociale : 700 000 entreprises, c'est-à-dire trois fois moins que nécessaire. Il n'y a pas de plus social qu'une bonne économie. Si on avait la performance de la Malaisie (croissance 6% et chômage 2,5%), nous aurons besoin de financer un volume de problèmes sociaux 5 fois moins que les sommes actuelles. Les estimations varient entre 20 et 30% du PIB des dépenses sociales dans notre pays. La moitié de ces sommes injectées dans la création et le développement des entreprises réduira de 80% les problèmes sociaux en cinq ans. Une personne employée, formée et productive, aura des ressources pour acheter à crédit son logement, se procurer une assurance santé (publique ou privée si on autorisait la concurrence) et acheter ses biens et services au prix réel. Elle ne va pas gaspiller parce qu'elle paye le prix fort ses produits et services. De nos jours, les technologies de l'information facilitent grandement la vie des Etats qui en font largement usage. Nous pouvons affiner notre modèle d'information national en ayant un système intégré qui situe chaque membre de famille (numéro national) pour repérer grosso modo les revenus de chaque famille. Celles qui ont de 2 dollars par personne et par jour percevront des montants cash pour compenser la hausse des prix : lait, blé, essence, etc. Les techniciens savent faire ce calcul très facilement. Nous allons diviser par huit ou neuf les dépenses sociales. L'argent économisé sera utilisé pour créer les entreprises qui nous manquent (1 500 000). Tout le monde sait que les sources de subvention proviennent des hydrocarbures ; autant les rationaliser. Il y a beaucoup de choses à dire encore sur les aspects sociaux de notre pays. Nous pouvons réformer le système pour avoir plus d'égalité et plus d'efficacité économique et sociale. Nous ne pouvons pas continuer d'avoir une économie hors hydrocarbures naine qui supporte un géant social. PH.D en sciences de gestion