Le procès des deux membres du Comité de défense des droits des chômeurs, Rachid Ouine et Brahimi Abdelhamid, a eu lieu hier, à la section criminelle du tribunal d'El Oued. Après des heures de plaidoiries, le tribunal a rendu son verdict, dans l'après-midi, à l'encontre de ces deux activistes des droits de l'homme : le premier a été condamné à six mois de prison ferme alors que le deuxième a bénéficié d'une relaxe. Quels sont les chefs d'inculpation retenus contre ces deux militants ? A l'étonnement des défenseurs des droits de l'homme, ces personnes sont poursuivies par le parquet pour «outrage à un fonctionnaire» et «incitation à un attroupement non armé», et ce, en vertu de l'article 100 du code pénal. Le collectif des avocats de la Ligue algérienne des droits de l'homme (LADDH) conduit par son président, maître Benissad, s'est rendu à El Oued pour défendre et soutenir les mis en cause. Me Benissad qualifie les poursuites contre ces défenseurs des chômeurs d'«infondées sur le plan juridique» et estime que l'infraction de l'incitation à attroupement était un résidu des années de plomb et de la législation, peine répressive non conforme aux conventions internationales relatives aux droits de l'homme et à la Constitution qui garantissent la liberté d'expression. Pour le collectif d'avocats, il s'agit là ni plus ni moins de poursuites pour délit d'opinion. «Les défenseurs des droits de l'homme ont droit à une protection», tonne Me Benissad. «Nous allons relever appel de la condamnation du défenseur des droits de l'homme Rachid Aouine ; la LADDH reste mobilisée pour sa libération et la défense des libertés, notamment d'expression et d'opinion», explique la LADDH dans un communiqué. Les membres de la Ligue sont convaincus que ces personnes ainsi que les militants de Laghouat, dont le procès en appel est prévu pour demain, sont poursuivis pour leurs activités de défense des droits de l'homme. «Après la condamnation à la prison ferme des défenseurs des droits des chômeurs (dont Abdelkader Khencha, leader du mouvement à Laghouat, le 11 février), le procès en appel est prévu pour demain. Nous serons encore une fois présents à Laghouat pour assurer la défense de ces personnes injustement arrêtées», note Me Benissad. A ce sujet, le président de la Ligue a décidé de saisir le rapporteur spécial de l'ONU sur la situation des défenseurs des droits de l'homme et plus particulièrement sur «des cas de violation du droit de la défense des droits de l'homme». Selon les faits rappelés par la LADDH dans sa lettre, des défenseurs des droits de chômeurs ont organisé un sit-in devant le tribunal de Laghouat (400 km au sud d'Alger) le 28 janvier dernier pour soutenir leur camarade Mohamed Reg et son voisin dans un procès pour l'accusation d'«atteinte à corps constitué». Pendant cette manifestation publique, Belkacem Khencha, leader du mouvement de défense des droits des chômeurs, et sept autres militants ont été interpellés puis poursuivis en justice. Ils ont été finalement condamnés, le 11 février dernier, à une peine de six mois de prison ferme et six mois avec sursis chacun. Quant à Mohamed Reg et son voisin, interpellés tous deux près de chez eux, ils ont été condamnés à 18 mois de prison ferme et une amende de 20 000 DA chacun. La LADDH a fait appel du jugement. Le procès en appel aura lieu demain à la cour (deuxième instance) dans la même localité.