En Syrie, la population continue de vivre des atrocités. L'Algérie accueille depuis quatre ans des réfugiés. Des familles ont été en effet obligées de se débrouiller pour sécuriser leurs enfants. On se souvient des déplacements en masse de Syriens qui sillonnaient les grandes villes à la rechercher d'un gîte, ou demandant l'aumône pour subvenir à leurs besoins. L'essentiel, pour eux, était de trouver un endroit pour ne plus subir les bombardements du régime et les exactions des groupes autoproclamés «révolutionnaires». Des militants associatifs algériens, mettant de côté tout calcul, n'agissant que par esprit humanitaire, avaient pris la responsabilité d'aider, avec les moyens du bord, les familles syriennes. Ces dernières avaient investi principalement les grandes places publiques – square Port Saïd, parc Sofia ou place des Martyrs, à Alger. Des mois plus tard, sous la pression médiatique, les autorités ont été obligées de prendre les devants. Des camps de réfugiés ont été ouverts pour offrir un «toit» provisoire aux familles, particulièrement celles accompagnées d'enfants. Globalement, il n'y avait pas de problème de scolarité, la langue arabe aidant leur insertion. A Alger, par exemple, le centre de colonies de vacances de Sidi Fredj est occupé par des familles syriennes, qui y sont prises en charge. Qui sait, un jour la paix reviendra en Syrie ? Mais il faut se munir d'une autorisation pour que la presse puisse les approcher. L'accueil dans les camps a réduit le nombre de réfugiés dans la rue. Générosité des Algériens Cependant, il subsiste toujours des familles qui, faute d'information ou autres raisons, continuent à faire la manche sur les routes. L'une d'elles occupe présentement le rond-point de Dély Ibrahim, en direction d'Ouled Fayet. Composée de six personnes, elle est originaire d'Alep. La mère, la cinquantaine, raconte sans hésiter le calvaire : «Notre ville est bombardée. Les groupes terroristes de Daech n'épargnent personne. Ils tuent. Ils égorgent. Ils condamnent aux pires châtiments quiconque ne partage pas leur vision. J'ai dû fuir avec mes trois enfants vers l'Algérie. J'attends que mon mari et mes quatre filles me rejoignent. Ils sont actuellement à la frontière turque. Ils essayent de récolter le maximum d'argent pour acheter les billets d'avion. Notre famille est déchirée, mais nous gardons espoir qu'un jour, nous puissions nous réunir de nouveau.» Au cours de la discussion, une voiture s'arrête, une dame, donne une pièce de monnaie ; la mère syrienne accepte. Et de poursuivre le récit de sa mésaventure : «Nous vivions tranquillement, jusqu'à ce que la fitna (la zizanie) gagne le pays. Qu'a-t-on fait pour mériter cela ?» A ses côtés, un adolescent, 15 ans, souhaite trouver une place dans une école : «Cela fait deux mois que nous sommes à Alger. Les Algériens sont généreux avec nous. Mais nous dormons le plus souvent dans la rue. Je voudrais poursuivre ma scolarité…» Quelques minutes plus tard, un jeune homme d'environ 25 ans, barbe d'une semaine, vient vers nous. Il refuse que notre photographe prenne une photo de la famille. «Chez nous, c'est la horma (dignité). Nous n'acceptons pas qu'une de nos femmes apparaisse sur un journal. Pouvez-vous demander à votre collègue de détruire la photo ?» Peu après, mis en confiance, il raconte à son tour : «Alep est démolie. Il ne reste de la ville que les ruines. Il sera impossible de la reconstruire. Nous avons été obligés de venir ici. Nous avons jugé que l'Algérie est le meilleur pays pour être en sécurité. L'absence de visa nous a facilité les choses. Et je remercie les Algériens qui sont d'une gentillesse incroyable. Ils aident sans arrière-pensée. Pour le moment, nous devons juste régler le problème du logement. Les dinars que nous récoltons servent à payer l'hôtel, mais ce n'est pas toujours suffisant. Nous avons demandé une prise en charge au HCR. L'organisation nous a certifié que notre cas sera réglé dans quelques jours. Mais rien de concret pour le moment.» Les visages attristés sont marqués par la fatigue. La famille applaudit l'arrivée du printemps, vu que les dernières nuits n'ont pas été tendres. Le froid ne les a pas épargnés. Même constat du côté de Bois Des Cars, à Dély Ibrahim. Une famille et quelques femmes demandent aux automobilistes quelques dinars. Nous accostons l'une d'elles, une jeune femme au visage terrassé par la tristesse. «Je suis d'Alep. Actuellement, j'habite à Boufarik», précise-t-elle, ajoutant qu'elle n'est pas mariée. A quelques mètres, des femmes de sa famille mendient. Les rares familles syriennes abandonnées à leur sort attendent qu'une solution soit trouvée. Elles savent que le provisoire peut durer. Les responsables des camps de réfugiés sont appelés à enregistrer leur cas pour les accueillir. L'Algérie a ratifié toutes les conventions onusiennes de protection et de prise en charge des réfugiés.