Dans cette interview accordée par le PDG du groupe Elsecom à El Watan, il est question d'analyser les nouvelles dispositions contenues dans le décret fixant les conditions d'exercice du métier de concessionnaire automobile. Abderrahmane Achaibou développe des pistes de travail à même de faire émerger une nouvelle race d'entreprises productrices, créatrices de valeur ajoutée, de richesses et d'emplois. Abderrahmane Achaibou se veut optimiste quant aux prévisions d'évolution du marché de l'automobile algérien dans les années à venir. Quelle lecture faites-vous du nouveau décret qui fixe les nouvelles conditions de l'exercice du métier de distributeur automobile ? La loi de finances 2014 fixe un certain nombre de conditions aux concessionnaires, dont l'investissement dans une activité industrielle et/ou semi-industrielle dans un délai n'excédant pas trois années. Pour moi, il s'agit là d'une bonne décision dans la mesure où elle vient réguler et organiser le marché, à condition que d'autres mesures viendront ensuite encourager les entreprises à s'orienter vers une activité industrielle, non pour la fabrication de la pièce détachée et/ou des organes, étant donné que cela est régi par des cahiers des charges strictes du fournisseur, mais d'investir dans la superstructure pour véhicules utilitaires et lourds, dont le montage se fera en Algérie sur des châssis nus importés non équipés. Il serait ainsi plus utile, pour la catégorie véhicules utilitaires et lourds, de favoriser l'importation des châssis non équipés et sur lesquels seront installés localement les équipements choisis par le client. Pouvez-vous détailler votre réflexion ? Les superstructures représentent entre 15 à 20% du coût global du véhicule. C'est dire qu'il y a bel et bien des économies à faire si ces superstructures sont fabriquées localement. C'est ainsi que nous pourrons créer une catégorie d'entreprises qui permettront à l'Algérie, à l'avenir, d'économiser 300 à 400 millions de dollars d'importations. C'est ce qui se fait actuellement dans certaines usines du Maroc qui fabriquent les autobus. Les carrossiers marocains étaient protégés par l'Etat qui interdit l'importation des bus en produits finis. S'il est vrai que l'objectif majeur du gouvernement est de réduire les importations, cela est possible à travers des substitutifs et des incitatifs permettant l'émergence de cette nouvelle race de carrossiers dont je viens de vous parler. Il est évident ensuite que l'impact ne pourrait être que bénéfique, puisqu'il y aura création d'emplois, de richesses et de valeur ajoutée. Il faudra ensuite que l'Etat protège ces entreprises, quitte à taxer certains produits importés concurrents à la production locale. Des entreprises à l'image de la SNVI (Société nationale de véhicules industriels) meurent à petit feu sous l'effet de la concurrence des produits importés. Il est évident qu'il y aura ensuite d'autres opérateurs qui vont investir dans certains autres accessoires et composants de véhicules. Cela est tributaire également d'une autorisation du fournisseur. C'est vous dire qu'il s'agit certes d'une bonne décision, celle de contraindre les concessionnaires à investir dans activité industrielle et/ou semi-industrielle, mais il y a tout un ensemble de mesures d'accompagnement et d'encouragement qui doit suivre une telle décision. Quels sont les incitatifs que vous jugez nécessaires à même d'accompagner les opérateurs et les encourager à se réorienter vers l'investissement ? Il est d'abord impératif, à mon avis, que le problème du foncier soit définitivement réglé. Il est vrai que le gouvernement a pris certaines initiatives à même d'aménager des zones industrielles et d'accorder des terrains par voie de concession ; il est attendu qu'il fasse de même pour encourager et inciter à investir. La rareté du foncier industriel nous handicape et s'érige en obstacle à l'investissement. Le délai de trois années accordé aux concessionnaires ne devrait courir qu'à compter de la date de l'obtention des concessions pour les projets d'investissement. En somme, nous attendons un accompagnement incitatif et adapté pour que nous puissions contribuer efficacement au développement des investissements réalisés ou en cours de réalisation dans le secteur de la mécanique et de l'automobile. Le nouveau cahier des charges introduit également une nouvelle obligation, celle d'équiper les véhicules de nouveaux équipements de sécurité, dont la finalité au bout du compte étant de réduire les victimes sur les routes… La conformité par les constructeurs et les distributeurs aux nouvelles dispositions qui contraignent les concessionnaires à une exigence d'équipements de sécurité ne sera possible que dans des délais assez longs. Il s'agit de réaménager toute une chaîne d'industrie pour qu'elle puisse répondre aux nouvelles exigences en matière de sécurité. Cela entraînerait également des coûts additionnels au coût d'importation des véhicules dans un contexte économique peu favorable à cela, sachant que plusieurs exigences du cahier des charges sont des équipements en option, voire non obligatoires, sur des véhicules aux normes Euro 6 dans leur pays d'origine, alors que l'Algérie est aux normes Euro 2 pour le véhicule lourd et Euro 3 pour le véhicule léger. Autrement, comment analysez-vous les dernières tendances du marché de l'automobile en Algérie ? On ne peut pas dire aujourd'hui que le marché est saturé lorsqu'on a plus de 56% des véhicules qui ont plus de 10 ans d'âge et plus d'un million de véhicules ont plus de 20 ans d'âge. L'âge moyen d'un véhicule tourne autour de 10 à 12 ans. C'est dire que le besoin de renouveler le parc automobile se pose plus que jamais avec acuité.