La part des dépenses de santé à la charge des ménages a atteint 25% en Algérie, au moment où des pays enregistrent une diminution significative, selon les recommandations de l'OMS et de la Banque mondiale, qui fixent ce taux à moins de 10%. Un taux évalué selon les comptes nationaux de la santé, élaborés par le ministère de la Santé en collaboration avec l'Union européenne, dans le cadre du programme d'appui au secteur de la santé, qui constitue un élément d'aide à la décision dans la formulation des politiques appropriées, selon le rapport non encore rendu public. «Dans la cartographie financière du système de santé algérien, les ménages sont à la fois source et agent de financement. En tant que source : ils génèrent des ressources financières qui vont vers les agents de financement (CNAS), et en tant qu'agent de financement en s'adressant aux prestataires privés sans être remboursés», note Lamri Larbi, économiste de la santé, auteur de cette étude. Une hausse qui explique la transition épidémiologique avec l'avènement des maladies non transmissibles et la croissance démographique, le recours massif au secteur privé et le non-remboursement des prestations, l'insuffisance des services d'urgences, les multiples obstacles d'accès au secteur public. S'ENDETTER POUR SE SOIGNER Comme il est aussi important d'ajouter les sommes payées par les ménages de façon indirecte que sont les 20% du ticket modérateur non remboursé aux assurés sociaux sur l'achat de médicaments même avec la carte Chifa dont on ignore l'estimation. «Actuellement l'accès des ménages aux services de santé privés ne concerne pas uniquement les ménages aisés et à hauts revenus. Les ménages aux revenus moyens et même faibles y ont recours avec l'avènement du risque de ce que les économistes de la santé appellent les ‘dépenses catastrophiques' qui conduisent à l'appauvrissement des ménages les plus vulnérables économiquement», note l'économiste de santé et de relever que les ménages pauvres financièrement vendent leurs biens matériels et s'endettent parfois pour payer leurs soins. «Ces dépenses réduisent leur épargne qui aurait pu servir à améliorer leurs conditions de vie», signale-t-il. Ainsi, le niveau élevé de dépenses de santé des ménages, établies à 214 milliards de dinars en 2011, selon l'enquête sur les ménages de l'ONS, dépasse même les dépenses totales de l'assurance maladie qui se sont élevées, la même année, à 186 milliards de dinars alors que le montant pour l'année 2012 a atteint 226 milliards de dinars «1/10e du taux d'accroissement entre le chiffre de l'enquête de 2001 et celle de 2011», relève le spécialiste, qui n'écarte pas «des situations dangereuses et contraignantes que sont les dépenses catastrophiques et l'appauvrissement des ménages les plus vulnérables économiquement à cause de leurs soins». Pour M. Lamri, ce risque menace de nombreuses familles nécessiteuses et les dépenses directes de santé des ménages vulnérables sont souvent la cause de leur appauvrissement et viennent contredire le premier des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMS) pour 2015, qui est de réduire de moitié la pauvreté dans le monde. Pour justement éviter ce type de situation, l'économiste de la santé préconise, entre autres, la révision des niveaux de remboursement des actes, l'encadrement économique et financier du secteur privé par l'administration publique pour contrôler les prix pratiqués et prestations fournies, l'élargissement de la couverture du risque maladie aux caisses d'assurances économiques. Comme il recommande aussi la réalisation d'une enquête nationale sur la consommation des services et produits de santé auprès des ménages. «Les résultats et les analyses y afférents seront d'une grande valeur pour les décideurs pour une planification globale en matière de santé (services médicaux, équipements, structures de santé) et le développement de politique de santé pour répondre correctement aux besoins de la population.»